Texto utilizado para esta edición digital:
Rotrou, Jean de. La Diane, Comédie. 1635. Édité et annoté par Ángeles García Calderón, pour la Bibliothèque Numérique EMOTHE. Valencia: EMOTHE Universitat de València, 2025.
- Carmen Cerdán, Rodrigo
Note sur cette édition
Cette publication fait partie du projet I+D+i «EMOTHE: Second Phase of Early Modern Spanish and European Theatre: heritage and databases (ASODAT Third Phase)», référence PID2022-136431NB-C65 financé par MICIN/AEI/10.13039/501100011033 et FEDER/ERDF.
Notice historique et littéraire sur LA «DIANE»
Rotrou, tout en composant de mauvaises pièces de théâtre, formait son style, et maintenait déjà son dialogue avec plus d'art qu'aucun de ses contemporains, entre la trivialité de la farce et l'exagération espagnole, en ce temps fort à la mode. Entraîné malheureusement par l'exemple de ses prédécesseurs et par le goût de son siècle, il ne contribua que bien plus tard à réformer l'action dramatique, alors d'autant plus admirée qu'elle était compliquée et même confuse. La Diane est presque inintelligible à la lecture: ce défaut était sans doute moins choquant à la représentation, où chaque personnage est facilement reconnu et distingué du spectateur parmi le grand nombre d'acteurs principaux qui concourent essentiellement à l’action de «La Diane». S'il faut en croire son auteur, elle fut applaudie du public, qui ne lui trouva pas dit-il, de ces beautés effrontées qui ne se plaisent que sur le théâtre y ni de ces grâces affectées qui font paraître les autres. Rotrou la dëdia au comte de Fiesque.
Diane est sœur de Lysandre: leur mère, voulant faire passer toute sa fortune à son fils, confie Diane à un paysan de Boulogne où elle est élevée sans connaître sa naissance. Elle inspire cependant une grande passion à Lysimant; mais l’infidèle la quitte pour se rendre à Paris, où il recherche bientôt Orante en mariage. Diane, instruite de son projet, le suit et entre au service de sa rivale. Sylvian, jeune paysan amoureux de Diane, court après elle et devient cocher de Lysimant. Diane gagne l'affection de sa maîtresse, et lui fait parvenir les lettres que le perfide Lysimant lui a jadis écrites. Orante, qui est éprise d'un certain Ariste, est ravie d'avoir un prétexte pour rompre avec Lysimant; et celui-ci, changeant d'affection, annonce qu'il va porter ses vœux vers Rosinde. Diane, le gagnant de vitesse, et sachant que cette belle est fiancée avec Lysandre sans l'avoir vu, se travestit et se présente sous ce nom chez Rosinde. Mais le véritable Lysandre arrive et réclame ses droits; étonné de voir sa place remplie, il veut punir l'imposteur, qui n'a de ressource contre sa vengeance qu'en déclarant son sexe. Diane se découvre le sein, et Lysandre la reconnaît pour sa sœur à un signe particulier qu'elle porte en cet endroit. Cette reconnaissance amène tout à coup le dénouement. Lysimant, voyant une grande fortune à Diane, consent délicatement à l’épouser: Lysandre s'unit à Rosinde; Orante obtient son cher Ariste; et Sylvian se contente de Dorothée, suivante de Diane.
NOTE: Œuvres de Jean Rotrou. 5 vol. Tome premier. Paris: Chez Th. Desoer, 1820, pp. 265-267; réimpr. Genève, Slatkine, 1967.
À monsieur le Comte de «Fiesque»
MONSIEUR,
Diane est vôtre par tant de raisons, que vous ne lui pouvez défendre cette qualité, Votre commandement vous a fait être la cause première de sa naissance; Vous êtes auteur de la plus belle partie de sa réputation, et vous l'avez soutenue contre tous ses envieux, des moindres obligations l'auraient rendue votre créature. Et sans une ingratitude extrême elle ne se peut avouer d'autre que de vous, après le jugement que vous en avez fait. Il serait superflu de vous la dépeindre, je dirai seulement qu'elle n'est point de ses beautés effrontée qui ne se plaisent que sur les Théâtres, et dans les grandes assemblées, elle n'a point étudié ces grâces affectées qui font paraître les autres. Et la nature a tant fait pour elle qu'elle a méprisé tous les ornements de l'art; il est de la plupart des pièces de Théâtre, comme de ces femmes, qui ne possédant pas une parfaire beauté, surprennent toutefois par un faux éclat. Et ne se laissant pas longtemps considérer, s'acquièrent une estime qu'elle perdent, enfin quand on a remarqué de plus près leurs grâces, et leurs défaut, telle nous charme dans la rue qui nous déplaît dans son cabinet, et beaucoup dérobent au Cours, des cœurs qu'elle rendent à la maison. Il est ainsi de quantité de comédies à qui l'impression ôte le lustre, que le Théâtre leur avait donné. Diane n'est pas de ce nombre, et j'ose espérer que la vue qu'on aura de sa beauté naturelle, sera mépriser cette fausse apparence qu'on lui désirait en la scène; Vous savez par quels, et combien d'esprits, elle a été considérée chez ce grand homme, à qui vous avez justement donné tant de louanges, et voué tant d'amitié; il vous souvient de l'approbation qu'elle y reçut, et pas un de ces divins esprits qui la voulurent entendre jusques à trois fois, n'en fit un jugement contraire au vôtre qui fut toujours en sa faveur. Après cette satisfaction que j'en ai reçu, je crains fort peu le goût du peuple, et quand vous seul l'auriez approuvée. Caton m'est plus que le peuple romain; Telle quelle est, elle s'offre à vous, et se tient si glorieuse d'être vôtre, qu'elle eût été jusques à Rome vous demander cette qualité, si votre retour n'eût empêché son voyage, obligez-là d'un favorable accueil, et souffrez qu'elle vous témoigne combien je suis,
MONSIEUR,
Votre très humble et très obéissant serviteur
ROTROU
NOTE: Charles-Léon, Comte de Fiesque, originaire de Gênes, d’ou sa famille était bannie depuis le célèbre Complot des Fieschi, ourdi à Gênes le 2 janvier 1547 par Giovanni Luigi Fieschi, appartenant à la maison des Fieschi, afin d'éliminer le prince amiral Andrea Doria et les principaux membres de son entourage. D'une part, le complot est considéré comme une action purement individuelle due à la jalousie envers la puissance des Doria, d'autre part elle apparaît comme une action afin de restaurer l'ancienne liberté de la république, une tentative d'éliminer le tyran Doria.
L'historiographie actuelle interprète le fait comme un aboutissement des contrastes entre les maisons nobles qui se disputent le pouvoir: la noblesse «nuova» opposée à la «vecchia» des familles plus anciennes de la République de Gênes ('une des grandes républiques maritimes italiennes durant près de huit siècles, de 1099 à 1797, après l'abdication du dernier doge de Gênes, Giacomo Maria Brignole. Elle connut deux apogées, de 1284 à 1381, puis au XVIe siècle, parfois appelé «le siècle des Génois»).
On voit qu’il s’agit d’un protecteur recherché.
Argument
Méliante Portugaise avait deux enfants, Lysandre et Diane. L'inclination aveugle de cette mère la portant à avantager plutôt son fils que sa fille; elle fit nourrir Diane à Boulogne chez un paysan nommé Damon, et quelque temps après fit courir le bruit qu'elle était morte. Pour assurer la fortune de Lysandre, elle l'accorda à Rozinde sa cousine fille d'Orimand dès l'âge de six ans; elle mourut, et Lysandre qui avait de la passion pour voir les pays étranges, ayant fait charger quelques vaisseaux de marchandise, fit voile. Diane avait été aimée dans Boulogne d'un gentilhomme Lysimant, à qui elle avait permis quelques privautés honnêtes; elle apprend que dans Paris il était devenu amoureux d'Orante fille de Filémon, elle sort de Boulogne à dessin de traverser leurs amours par quelque artifice, elle se met au service d'Orante, Sylvian paysan qui l'avait aimée, la suit et se fait coche de Lysimant à dessein de la voir quelquefois. Dorothée villageoise qui aimait Sylvian sort aussi de Boulogne et vient à Paris, où elle rencontre Diane; comme elle parlent ensemble, Orante appelle Diane qui lui présente quelques lettres qu'elle dit avoir eues de quelque Paysanne qui la vient de quitter; (ruse dont elle se sert pour faire connaître à Orante que Lysimant aime en autre lieu) car ce sont les mêmes lettres que Lysimant a écrites autrefois à Diane; et quelques unes de Diane à Lysimant; Orante avait de l'amour pour Ariste, et le seul commandement de son père la forçait de souffrir Lysimant, pour se tirer de cette contrainte elle fait voir à son père ces témoignages de 'inconstance de Lysimant. Filémon le reproche à Lysimant qui lui fait voir le peu d'ardeur qu'il a pour Orante; Ariste à qui l'avarice de Filémon, les premières visites de Lysimant chez Orante, et le bruit qui courrait de leur mariage avaient déjà irrité, en fait des reproches à Orante, mêlées de beaucoup de mépris. Lysimant rencontre Diane qu'il ne reconnaît que pour Fille de Chambre d'Orante, la prie de dire à sa maîtresse qu'il aime Rosinde, en effet il la visite, mais c'est moins pour lui plaire que pour déplaire à Orante. Diane que ce discours a émue cherche un second artifice pour divertir cette poursuite, elle prie Dorothée de lui faire trouver un habit d'homme sur une diamant qu'elle lui met entre les mains; elle s'habille, entre chez Rosinde, se fait passer pour Lysandre (elle avait su toutes les affaires de cette maison d'une paysanne de Boulogne sans être connue d'elle, et sans qu'elle-même se reconnût). Le vrai Lysandre arrive, on veut punir le fourbe de l'autre, mais elle à l’instant reconnue par Damon, et puis pour sœur de Lysandre par une marque qu'elle porte au sein; elle est donc mariée à Lysimant, Rosinde à Lysandre, Orante à Ariste, et Dorothée à Sylvian.
À Monsieur ROTROU,
Sur sa Diane.
Par son Frère.
Enfin l'Amour est le vainqueur,
Diane a ce qu'lle désire,
Le destin ne lui peut plus nuire,
Lysimant lui donne son cœur
«ROTROU le J.»
NOTE: Rotrou le Jeune, c’est-à-dire Pierre Rotrou, frère du poète.
Les acteurs
| DIANE, (sous le nom de CÉLIRÉE) |
| DOROTHÉE, villageoise amie de Diane, qui aimait Sylvian |
| ORANTE, fille de Filémon, amoureuse d’Ariste |
| LYSIMANT, amoureux de Diane, il la quitte, pour demander Orante en mariage |
| ARISTE, personnage dont Orante est amoureuse |
| ORIMAND, père de Rosinde |
| SYLVIAN, jeune paysan amoureux de Diane |
| FILÉMON, père d’Orante |
| LYSANDRE, frère de Diane |
| DAMON, paysan de Boulogne qui a élévé Diane |
| UN LAQUAIS |
| EXEMPT |
| ARCHERS |
NOTE: Définition ancienne de EXEMPT s.: “On dit proverbialement & en raillerie d'un homme qui se tient inutile, tandis que ses compagnons travaillent, qu'il est exempt de bien faire”. Dictionnaire universel de Furetière (1690).
ACTE I
Scène première
Scène II
Scène III
Scène IV
Scène V
ACTE II
Scène première
Scène II
Scène III
Scène IV
Scène V
Scène VI
Scène VII
Scène VIII
ACTE III
Scène première
Scène II
Scène III
Scène IV
Scène V
Scène VI
Scène VII
Scène VIII
Scène IX
Scène X
ACTE IV
Scène première
Scène II
Scène III
Scène IV
Scène V
Scène VI
Scène VII
Scène VIII
Scène IX
Scène X
ACTE V
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Scène VI
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Scène VIII
Scène IX
Scène X
