Texto utilizado para esta edición digital:
Mairet, Jean. La Silvanire. Édité & annoté par Ángeles García Calderón, pour la Bibliothèque Númérique EMOTHE. Valencia: ARTELOPE - EMOTHE Universitat de València, 2022.
- Tronch Pérez, Jesús
Note sur cette édition numérique
Cette publication fait partie du projet I+D+i "Théâtre espagnol et européen des XVIe et XVIIe siècleS: patrimoine et base de données" référence PID2019-104045GB-C54 (acronyme EMOTHE), financé par MICIN/AEI/10.13039/501100011033.
NORMES SUIVIES POUR L’ÉDITION DE LA SILVANIRE
-Nous avons modernisé l’orthographe, dans toute la mesure du possible (i par j, u par v, & par et, s par x, etc.), étant donné que’au XVIIe siècle l’orthographe varie, sans obéir le plus souvent à des principes généraux d’une pièce à l’autre et d’un imprimeur à l’autre.
-La ponctuation est modernisé pour les mèmes raisons que l’orthographe.
-Nous avons conservé la majuscule initiale des noms communs.
-Nous avons maintenu l’usage de la minuscule après les points d’interrogation et d’exclamation.
-Nous avons supprimé l’espace entre les mots, suivant la graphie moderne (lors que, bon jour, quelque fois, etc.).
-Nous avons modernisé l’orthographe et les conjugaisons des verbes, supprimant les imparfait et les conditionnels en –oi, sauf en cas de rime.
-De même, nous avons supprimé les trémas et les cédilles.
-Nous avons supprimé le tiret ou l’apostrophe qui sépare deux syllabes, de même que les tirets qui unissent deux mots; également avec l’accent qui apparaît sur les ou, conjonction de coordination.
-On a ajouté des accents sur les mots qui n’en comportent pas dans l’editio princeps, surtout sur l’A prépositionnel lorsqu’il est en majuscule.
-On a doublé les consonnes, et ajouté un tiret entre deux mots selon l’usage actuel.
-En ce qui concerne le commencement des vers, la tradition veut que le premier mot d’un vers porte la majuscule, qu’il y ait ou non un signe de ponctuation à la fin du vers précédent. Cependant, en poésie moderne on trouve souvent la minuscule au premier mot du vers.
-Toutes les voyelles en majuscules, en début de vers sont écrites avec un accent grave, ou circonflèxe (ô) même si les textes français maintiennent la pratique habituelle de ne pas les accentuer.
À TRÈS HAUTE ET TRES PUISSANTE DAME, MADAME MARIE FÉLICE DES URSINS, DUCHESSE DE MONTMORENCY ET D'AMPUILLE, BARONNE DE CHATEAUBRIAND, ETC.
Madame,
Dès le même instant que je formai le dessein de cet ouvrage, je conçus celui de le dedier à Votre Grandeur. J'ai toujours considéré ma Silvanire comme une beauté que j’élevais pour paraître quelque jour aux yeux d'une des plus vertueuses et des plus parfaites dames de la terre. En suite de cette considération je ne me suis pas tellement étudié à la rendre belle, que j’aie oublié de faire encore qu'elle fût honnête, pour être en quelque façon digne de se présenter devant vous. Par ces circonstances, Madame, il vous est aisé de juger que connaissant votre vertu, comme je la dois connaître, et n'ayant jamais eu de plus forte ni de plus juste passion que celle de vous plaire jusques aux moindres choses, j'aurai pris soin de tenir ce poème dans une telle pureté d'actions, et de paroles, que votre modestie n'en puisse appréhender la représentation, ni rejeter la lecture. Enfin, Madame, voici cette MORTE VIVE, qui du parc ombrageux de votre magnifique maison de Chantilly, se voit aujourd'hui contrainte de passer à la clarté de la Cour, où vous savez s'il est important de faire son entrée de bonne grâce. Elle a su de la voix du peuple combien de caresses et de bonheur y reçut autrefois son aînée la bergère Silvie, sous la protection de Monseigneur; elle ne s'en promet pas moins de la vôtre, si vous lui faites l'honneur de l'en gratifier, comme elle vous en conjure très humblement. Le souci de réussir à la Cour n'est pas ce qui lui donne le plus de peine, puisqu'il est assuré que sous vos auspices elle n'y saurait être que parfaitement bien reçue. Toute la difficulté qui l'arrête, c'est d'agréer premièrement à Votre Grandeur, et d'engager par là votre réputation à la défense de la sienne. Je ne doute point que de deux parties qui lui sont absolument nécessaires, pour vous plaire, la bienséance et la beauté, vous n'y fassiez rencontre de la première; pour la seconde, j’appréhende extrêmement pour elle et pour moi que vous y trouviez beaucoup de choses à désirer. Ce n'est pas qu'à bien considérer les diligences que j'ai apportées à l'embellissement de son visage je ne puisse me faire accroire (et peut-être sans vanité) qu'elle ne passera point pour laide aux yeux de la plupart du monde. Mais quand je viens à me représenter, Madame, l'extraordinaire bonté de votre esprit, jointe à cette vive clarté de jugement qui ne paraît pas moins en vos actions qu'en vos paroles; surtout lorsqu'il me souvient que je vous ai vu découvrir quelques fois en diverses matières de poésie des grâces et des défauts qui ne doivent être visibles qu'aux plus clairvoyants de la profession, n'ai-je pas juste sujet de craindre que vous n'en découvriez en ma bergère, dont personne que vous ne se serait que tard apperçu? Toute la France est d'accord que l'Italie ne lui donna jamais rien de beau ni de précieux comme la Reine Mère, et vous, qui participez aussi bien à ses incomparables vertus qu’à la splendeur de sa race; et neanmoins, ou je ne connais du tout point la langue en laquelle je vous écris, ou vous la parlez justement comme il faudrait que je l'écrivisse pour faire accroire aux courtisans qu'elle m'est naturelle. Ce n'est pas ici mon dessein de vous louer, plût à Dieu, Madame, qu'il me fût permis de le faire, quelque mauvais orateur que je puisse être, je ne pense pas que sur une si belle matière, mon affection à votre service ne me fît dire de très belles choses; et ne serais point en doute que ces âmes lâches à qui les louanges du mérite d'autrui sont ordinairement insupportables, ne souffrissent sans murmurer la pureté des vôtres, bien loin de m'en contester la verité. Mais d'autant qu'ayant l'honneur, comme je l'ai, d'être particulièrement à Votre Grandeur, je fais profession aussi de lui rendre une particulière obéisance: je ne sortirai point des bornes que votre modestie me semble avoir prescrites sur ce sujet, sous cette protestation toutefois que c'est avec une indicible répugnance de ma volonté que je m'y tiens. Car outre la violence que je me fais, c'est chose infaillible que mon silence sera toujours plutôt soupçonné d'ingratitude, que justifié par la considération du respect qui me l'impose, et que la posterité qui saura quelque jour par la bouche de la Renommée que vous avez été la merveille de votre sexe et l'admiration du nôtre, ne me pardonnera pas facilement la faute que je commets de laisser échapper une si belle occasion de l'en assurer moi-même par mes écrits. Avec tout cela, Madame, j'aime beaucoup mieux être assuré d'être blâmé de tout le monde, que me mettre seulement au hazard de vous fâcher. Je sais fort bien qu'une pure et haute vertu comme la vôtre se contente de mériter la louange, sans se soucier beaucoup de la recevoir. Je m'accommoderai donc à la modestie de votre humeur, à condition, Madame, qu'en récompense vous avouerez s'il vous plaît cette bergère pour votre, et que sans vous souvenir que vous êtes issue de la très florisante et très illustre Maison des Ursins, qui presque aussi vieille que la nouvelle Rome, qu'elle embellit encore aujourd'hui de splendeur, a donné de si dignes successeurs à Saint Pierre, et de si grands capitaines a l’Europe; que sans vous souvenir, dis-je, de la hauteur de votre naissance, ou de la bassesse de la sienne, Votre Grandeur accordera deux ou trois heures de son loisir au désir qu'elle a de l'entretenir de ses aventures. Il est certain qu'elles sont amoureuses, mais aussi vous ai-je déjà protesté que cette légitime affection avec laquelle elle répond à celle de son berger, est à peu près de la nature de celle-là que le mariage vous permet d'avoir pour un des plus glorieux hommes de la terre, et qu'un des plus glorieux hommes de la terre a réciproquement pour vous. Cela me persuade, Madame, que vous ne l'en écouterez pas moins volontiers, et que vous la recevrez avec cette même bonté de naturel qui vous fait aimer généralement de tout le monde. Que s'il arrivait par aventure que vous la trouvassiez belle, que ma satisfaction serait accomplie, et que je me tiendrais bien récompensé de la peine que j'ai prise à la rendre telle. Je vous jure Madame (et je le dis sans flatterie), que la seule estime que vous ferez de mon ouvrage me déterminera la bonne ou la mauvaise opinion que j'en dois prendre, avec autant ou plus de certitude, que si Malherbe ou Virgile revenaient au jour afin de m'en dire la verité. On a toujours observé que votre esprit, qui n’est borné d'aucune sorte de matière, est encore appuyé ïune force de jugement qui ne doit rien à celui de ces habiles à qui notre siècle défère tant que de ne juger du prix des choses que par l'estime qu'ils en font. Mais peut-être que j'abuse indiscrètement de votre patience: je finirai donc, après vous avoir priée de recevoir agréablement ce témoignage de mon devoir, que je vous rends d'aussi bon cœur, que je me dis,
Madame de Votre Grandeur
Le très humble et très obéissant serviteur
mairet
ARGUMENT DE LA SILVANIRE
Ménandre un de plus riches bergers de Forez n'ayant pour tout enfant qu'une parfaitement sage et belle fille, nommée Silvanire, se résolut de la marier le plus avantageusement qu'il pourrait. Pour cet effet il jette les yeux sur Théante, berger aussi bien pourvu des biens de la fortune qu'il était dénué de ceux de l'esprit et du corps. Silvanire qui dès son bas âge avait été servie du gentil Aglante, à qui rien ne manquait pour être accompli que les richesses de l'autre, délibère de mourir plutôt que consentir à ce mariage. Ce n'est pas qu'elle eût jamais découvert son affection à Aglante, au contraire comme elle était extrêmement sage et retenue, dès que l’un et l'autre s’avancèrent un peu dans l'âge elle lui retrancha les privautés de son enfance, et ne véquit plus qu'indifféremment avec lui; d'autant que connaissant l'avarice de son père et la pauvreté d'Aglante ne devoir jamais être d'accord, elle avait trop de discrétion pour donner de vaines espérances à ce berger; de là vient qu'elle était contrainte de paraître insensible à son amour, et de dissimuler avec beaucoup de peine la violence de celle qu'elle avait pour lui. La nouvelle de la résolution de Ménandre étant venue aux oreilles de Tirinte, jeune berger passionnément amoureux de Silvanire, mais dont le naturel était beaucoup plus violent que celui d'Aglante, il se laisse emporter au désespoir, et tout furieux veut monter sur le faite d'un rocher afin de se précipiter. Alciron, sage berger et son ami, essaie de le divertir de ce dessein; en fin connaissant que sa blessure était trop profonde pour être guérie par des paroles, il lui donne un miroir, par le moyen duquel il lui promet de le rendre possesseur absolu de sa maîtresse. Tirinte donne ce miroir à Silvanire, et la presse tant de s'y regarder, qu'à la fin elle s'y regarde; mais avec un succés si étrange, et si contraire à celui que lui-même s'en était promis, qu'a quelques heures de là, les nouvelles de sa morte lui furent apportées au lieu de celles qu'il attendait de son amour. Il se doute aussitôt que c'était un effet du présent de son ami; de sorte que transporté d'amour et de furie, il le poursuit à mort comme son plus mortel ennemi. Alciron échappé de ses mains trouvu un batteau de pécheur sur le rivage de Lignon, à la faveur duquel il s'explique si bien au désespéré Tirinte, qu'ils vont ensemble au monument où Silvanire avait été mise, suivant la coutume du pays, qui voulait que les filles principalement portassent leurs habillements dans le tombeau, pour un plus grand témoignage d'honnêteté. Tirinte la fait revenir à soi, tâche en vain de la gagner de douceur; et finalement se souvenant des conseils d'Alciron, la veut emmener de force en quelque caverne, où loin de témoins il puisse la faire consentir à le recevoir pour son époux. Sur ces entrefaites Aglante survient, et quantité d'autres bergers avec lui, qui se saisissent du ravisseur; Fossinde poursuit la mort de Tirinte, dont elle était passionnément amoureuse; on le condamne à être précipité du Rocher malheureux; Fossinde trouve invention de le sauver; lui qui ne l'avait jamais aimée est content de l'épouser. Cependant que d'autre côté Ménandre après beaucoup de difficultés s'accorde en fin au mariage d’Aglante et de Silvanire.
Ce sujet est traité plus amplement dans la troisième partie de l'Astrée, où Monsieur d'Urfé en forme une histoire continuée. Le même autheur en a fait encore une pastorale en vers non rimés, à la façon des Italiens. C'est là qu'on peut renvoyer la curiosité du lecteur.
PRÉFACE EN FORME DE DISCOURS POÉTIQUE
À Monsieur le Comte de Carmail
Monsieur,
Il y peut avoir deux ans que Monseigneur le Cardinal de la Valette et vous me persuadâtes de composer une pastorale avec toutes les rigueurs que les Italiens ont accoutumé de pratiquer en cet agréable genre d'écrire, auquel il faut avouer que trois ou quatre des leurs ont divinement bien réussi. Le désir que j’eus de vous plaire à tous deux me fit étudier avec soin sur les ouvrages de ces grands hommes, où après une exacte recherche, à la fin je trouvai qu'ils n'avaient point eu de plus grand secret que de prendre leurs mesures sur celles des anciens Grecs et Latins, dont ils ont observé les règles plus religieusement que nous n'avons pas fait jusques ici. Je me suis donc proposé de les imiter, non pas en l'excellence de leurs pensées, à la hauteur desquelles je ne prétens pas arriver, mais seulement en l'ordre et la conduite de mon poème, que possible trouverez-vous un des plus reguliers de notre langue, après l'examen que vous en ferez s'il vous plaît à votre loisir. C'est pourquoi je me suis avisé de faire voir ce petit Discours de la Poésie, que je vous addresse, Monsieur, comme au Seigneur de la Cour de votre profession qui savez le plus de belles choses, et qui les pratiquez le mieux. Comme je suis trop jeune et trop ignorant pour enseigner, aussi ne mets-je pas cette Préface pour instruire personne: mon intention en ceci n'est que de témoigner que si je n'ai pû faire un ouvrage accompli, au moins n'ai-je pas été négligent à rechercher les moyens qui me pouvaient aider à le rendre tel, et que ma tragi-comedie n'est point une pièce à l'aventure.
DU POÈTE, ET DE SES PARTIES
Poète proprement est celui-là qui, doué d'une excellence d'esprit, et poussé d'une fureur divine, explique en beaux vers des pensées qui semblent ne pouvoir pas être produires du seul esprit humain. J'ai dit doué d'une excellence d'esprit, à la différence du prophète, à qui cette condition n'est aucunement necessaire, d'autant que les oracles que les prophètes rendaient le plus souvent en vers venaient immediatement de l'esprit divin, ou reputé tel, qui les agitait, témoins les livres des Sibilles, et les responses d'Apollon.
Par cette definicion il paraît que pour être vraiment appelé poète, il ne suffit pas d'avoir l'esprit hors du commun, ni de savoir bien tourner un vers, mais de plus qu'il est nécessaire d'avoir cette vertu naturelle de bien inventer, et cet entousiasme par qui l'âme du poète est souventes fois élevée au-dessus de sa matière, avec cet Os magna sonaturum d'Horace, qui ne se peut pas assez bien expliquer en notre langue. De là vient sans doute que quelques-uns ont fait difficulté de compter Lucain parmi les poètes, pour ce qu'il a raconté son histoire purement et simplement comme elle était arrivée, sans se servir des fictions et des inventions de la poésie. Il est vrai qu'à prendre le nom de poète un peu moins rigoureusement, quiconque faisant des vers avec art observe comme il faut la bienséance des choses et des paroles, peut être encore appellé poète; et c’est ainsi que Lucain n'est plus au nombre des historiens. Il est donc assuré que de deux sortes de qualités qui doivent entrer en la composition d'un bon poète, les unes sont purement naturelles, et les autres sont étrangères. Les naturelles à plus près sont, l'adresse d'inventer agréablement, la force de bien imaginer, et surtout l'habilité et l'inclination puissante à la poésie, qui fait par exemple que de deux esprits également bons et savants, celui-là viendra plus aisément à bout d'un grand poème, que cettui-ci ne fera pas d'une épigramme. Je ne dis rien de la netteté du jugement, d'autant que c'est une condition requise non seulement à la perfection de cet art en particulier, mais encore de tous les autres en général. Les qualités étrangères sont, la parfaite science de la langue jusques aux moindres grâces dont elle est capable, la connaissance des Bonnes Lettres, particulièrement des Humanités, comme de celles qui tombent plus communément dans la matière, et de la Philosophie Morale et Physique, dont les principes au moins sont absolument nécessaires, pour ne rien dire d'impertinent ou de contradictoire. Et finalement l'art de faire des vers non seulement dans la rigueur des règles ordinaires, mais encore avec cette élégance et cette douceur qui s'admire plutôt qu'elle ne le laisse imiter, telle qu'on la remarque en ceux de Monsieur Malherbe, et qu'on ne peut mieux exprimer que par ce je ne sais quoi, qui fait que de deux parfaitement belles femmes, l'une sera plus agréable que l'autre, sans que l'œil qui reconnaît cette grâce en puisse deviner la raison. De manière qu'après avoir considéré combien de choses excellentes concourent à la structure d'un parfait poète, il ne se faut pas étonner si la rencontre en a toujours été si difficile. Mais d'autant qu'on peut demander qui de la Nature ou de l'Art, c'est-à-dire de l'acquis, contribue davantage à l'accomplissement de ce chef-d'œuvre, il est hors de doute que l’art ne sera jamais rien d'achevé sans l'assistance de l'autre. Que si l'on veut savoir laquelle de ces deux parties se soutiendrait plus aisément d'elle-même, il y a de l'apparence que ce serait la Nature, et qu'un homme avec les seuls avantages de la naissance se témoignera mieux poète qu'un autre ne pourrait faire avec toutes les recherches et les méditations d'un long étude. Il n'en est pas de même de l'orateur, qui doit chercher la perfection du côté de l’Art, sans avoir absolument besoin du secours de la Nature, je veux dire de cette aptitude que nous avons en naissance à quelque sorte d'exercice. Fimus oratores, nascimur poetae. De là vient que quantité de beaux esprits soutenus seulement de la vigueur de leurs génies, ont fait aux siècles passés, et font encore au notre de si belles choses; témoins les poésies de Messieurs de Racan et de Saint-Amant, qui confessent eux-mêmes ingénument n'avoir iamais eu la moindre intelligence ni du grec ni du latin. Bien est-il vrai que l'étude est entièrement nécessaire à la production d'un grand ouvrage, et qu'Homère et Virgile n'eussent pas entrepris sans lui ce qu'ils ont acheté si glorieusement avec lui.
DE L'EXCELLENCE DE LA POÉSIE
Par la définition que j’ai donné du poète, il est facile de connaître que c'est que poésie. Pour son étymologie, il y a fort peu de gens qui ne sachent qu'elle est tirée du verbe grec ðïôÝù, qui signifie creo vel facio, de même que celle du mot de vers qui dérive du verbe latin verto, quod tandiu vertatur quandiu bene fiat. C'est pourquoi on appelle un vers bien fait quand il est bien tourné. Sans m'arrêter donc à ces petites observations de grammaire, je passe aux louanges de la poésie, qu'on ne peut nier être le plus digne de tous les Arts, soit pour la noblesse de son origine, comme celle qui vient immédiatement du Ciel, soit pour l'excellence des beaux effets qu'elle produit. Aussi la nomme-t-on le langage des Dieux, tant à cause qu'ils aimaient à être loués dans les temples avec hymnes et cantiques, que pour ce que la douceur en est si charmante, que si les Dieux (disaient les Anciens) avaient à converser avec les hommes, il est croyable qu'ils se serviraient du langage de la poésie, comme on le juge par les oracles qu'ils prononçaient ordinairement en vers. De là vient que les grands poètes ont mérité le titre de Divins.
DE LA DIFFÉRENCE DES POÈMES
Prendre le nom de poète selon la dernière et plus étendue définition, je trouve qu'il y a de trois sortes de poèmes; le dramatique, l’exégématique, et le mixte. L'ouvrage dramatique, autrement dit actif, imitatif, ou représentatif, est celui-là qui représente les actions d'un sujet par des personnes entreparlantes, et où le poète ne parle jamais lui-même: sous ce genre d'écrire se doivent mettre toutes les tragédies, comédies, certaines églogues et dialogues, et bref toutes les pieces où l'auteur introduit des personnes passionnées, sans qu'il y mêle rien du sien. L'exégématique ou récitatif est un ouvrage qui ne reçoit aucune personne parlante que celle de son auteur, comme sont tous les livres qui sont faits pour enseigner, ou la physique comme Lucrèce, ou l'astrologie, comme Aratus, ou l'agriculture comme Virgile en ses Georgiques, hormis quelques fables qu'il a mêlées dans le quatrième. Le mixte enfin est celui-là dans lequel le poète parle lui-même, et fait parler tantôt des Dieux et tantôt des hommes: ce genre d'écrire s'appelle autrement épique ou héroïque, à cause des héros ou grands hommes ayant quelque chose de plus qu'humain, dont ils représentent les aventures: c'est ainsi qu'Homère a magnifié les actions de son Achille, et Virgile après lui celles de son Enée. Or d'autant que ce n'est pas mon dessein de faire un Llvre au lieu d'une Préface, je me contenterai d'examiner le dramatique, comme celui qui se pratique aujourd'hui le plus, et qui seul est la véritable matière de mon Discours.
DE LA TRAGÉDIE, COMÉDIE, ET TRAGI-COMÉDIE
Le poème dramatique se divise ordinairement en tragédie et comédie. Tragédie n’est autre chose que la représentation d'une aventure héroïque dans la misère. Est adversae fortunae in adversis comprehensio. Son étymologie est tirée du mot grec ôñάãïò et øäç, dont l’un signifie bouc, et l'autre chant, à cause que le bouc était le prix qu'on donnait anciennement à ceux qui chantaient la tragédie. Comedia verò est civilis privatæque fortunae sine periculo vitae comprehensio. La comédie est une représentation d'une fortune privée sans aucun danger de la vie. Elle vient du mot xῶìç, qui veut dire bourgs ou villages, à cause que la jeunesse de l'Attique avoit accoutumé de la représenter à la campagne. De la définition de la tragédie et de la comédie on peut aisément tirer celle de la tragi-comédie, qui n'est rien qu'une composition de l’une et de l'autre. De sorte que la tragédie est comme le miroir de la fragilité des choses humaines, d'autant que ces mêmes rois et ces mêmes princes qu'on y voit au commencement si glorieux et si triomphants y servent à la fin de pitoyables preuves des insolences de la fortune. La comédie au contraire est un certain jeu qui nous figure la vie des personnes de médiocre condition, et qui montre aux pères et aux enfants de famille la façon de bien vivre réciproquement entre eux; et le commencement d'ordinaire n'en doit pas être joyeux, comme la fin au contraire ne doit jamais en être triste. Le sujet de la tragédie doit être un sujer connu, et par conséquent fondé en histoire, encore que quelquefois on y puisse mêler quelque chose de fabuleux. Celui de la comédie doit être composé d'une matière toute feinte, et toutefois vraisemblable. La tragédie décrit en style relevé les actions et les passions des personnes relevées, où la comédie ne parle que des médiocres en style simple et médiocre. La tragédie en son commencement est glorieuse, et montre la magnificence des grands; en sa fin elle est pitoyable, comme celle qui fait voir des rois et des princes réduits au désespoir. La comédie à son entrée est suspendue, turbulente en son milieu, car c'est là que se font toutes les tromperies et les intrigues, et joyeuse à son issue. De manière que le commencement de la tragédie est toujours gai, et la fin en est toujours triste; tout au rebours de la comédie, dont le commencement est volontiers assez triste, pource qu'il est ambigu, mais la fin en est infailliblement belle et joyeuse: l'une cause un dégoût de la vie, à cause des infortunes dont elle est remplie; et l'autre nous persuade de l'aimer par le contraire.
DES PARTIES PRINCIPALES DE LA COMÉDIE
La tragédie et la comédie différent entre elles non seulement en la nature de leur sujet, mais encore en la forme et la disposition de leurs parties. Mais d'autant que je veux être succinct, et que ma pastorale est tout à fait disposée à la comique, bien qu'elle soit de genre tragi-comique, il suffira que je fasse la division des parties de la comédie, sans m’arrêter à celles de la tragédie, qui sont assez amplement déduites chez le philosophe et le commentateur de Sénèque.
Les parties principales de la comédie sont quatre: prologue, prothèse, épitase, et catastrophe. Prologue est une espèce de préface, dans lequel il est permis outre l'argument du sujet de dire quelque chose en faveur du poète, de la fable même, ou de l'acteur.
Prothèse, est le premier acte de la fable, dans lequel une partie de l'argument s'explique, et l'autre ne se dit pas, afin de retenir l'attention des auditeurs.
Épitase est la partie de la fable la plus turbulente, où l'on voit paraître toutes ces difficultés et ces intrigues qui se démêlent à la fin, et qui proprement se peut appeller le nœud de la pièce.
Catastrophe est celle qui change toute chose en joie, et qui donne l'éclaircissement de tous les accidents qui sont arrivés sur la scène. Certe division est suivant l'ordre des comédies de Térence, que le Tasso et Guarini ont ponctuellement observé. Reste maintenant à savoir quelles sont les conditions essentielles de la comédie.
Il me semble avoir déjà dit que le sujet de la comédie doit être feint, à la différence de celui de la tragédie, qui doit avoir un fondement véritable et connu, comme l'Antigone et la Médée, encore qu'il soit permis d'y mêler le fabuleux; tel que la fuite de cette désespérée après l'embrasement du palais de Créon, et le retour de Thésée après son voyage aux Enfers.
Au reste le sujet de la comédie doit bien être une pure feinte, et non pas une fable; car fable est une invention de choses qui ne sont pas, et qui ne peuvent être, comme les Metamorphoses d'Ovide.
La seconde condition est l'unité d'action, c'est-à-dire qu'il y doit avoir une maîtresse et principale action à laquelle toutes les autres se rapportent comme les lignes de la circonférence au centre. Il est vrai qu'on y peut ajouter quelque chose en forme de l'épisode de la tragédie, afin de remedier à la nudité de la pièce, pourvu toutefois que cela ne préjudicie en aucune façon à l'unité de la principale action à laquelle cette-ci est comme soubordonnée; et en ce cas le sujer de la comédie n'est pas simple, mais composé, comme l'on peut voir en la plupart de celles de Térence.
La troisième et la plus rigoureuse est l'ordre du temps, que les premiers tragiques réduisaient au cours d'une journée; et que les autres, comme Sophocle en son Antigone, et Térence en son Heautontimoroumenos de Ménander, ont étendu jusqu'au lendemain; car c'est toute la même règle et la même condition aux comédies qu'aux tragédies. Il paraît donc qu'il est nécessaire que la pièce soit dans la règle, au moins des vingt-quatre heures, en sorte que toutes les actions du premier jusqu'au dernier acte, qui ne doivent point demeurer au deçà ni passer au delà du nombre de cinq, puissent être arrivées dans cet espace de temps.
Cette règle, qui se peut dire une des loix fondamentales du théâtre, a toujours été religieusement observée parmi les Grecs et les Latins. Et je m’étonne que de nos écrivains dramatiques, dont aujourd'hui la foule est si grande, les uns ne se soient pas encore avisés de la garder, et que les autres n'aient pas assez de discrétion pour s'empêcher au moins de la blâmer, s'ils ne sont pas assez raisonnables pour la suivre après les premiers hommes de l'antiquité, qui ne s’y sont pas généralement assujettis sans occasion. Pour moi je porte ce respect aux Anciens, de ne me départir jamais ni de leur opinion ni de leurs coutumes, si je n'y suis obligé par une claire et pertinente raison. Il est croyable avec toute sorte d'apparence qu'ils ont établi cette règle en faveur de l'imagination de l'auditeur, qui goûte incomparablement plus de plaisir (et l’experience le fait voir) à la représentation d'un sujet disposé de telle sorte, que d'un autre qui ne l'est pas; d'autant que sans aucune peine ou distraction il voit ici les choses comme si véritablement elles arrivaient devant lui, et que là pour la longueur du temps, qui sera quelquefois de dix ou douze années, il faut de nécessité que l'imagination soit divertie du plaisir de ce spectacle qu'elle considerait comme présent, et qu'elle travaille à comprendre comme quoi le même acteur qui naguère parlait à Rome à la dernière scène du premier acte, à la premiere du second se trouve dans la ville d'Athènes,ou dans le grand Caire si vous voulez; il est impossible que l'imagination ne se refroidisse, et qu'une si soudaine mutation de scène ne la surprenne, et ne la dégoûte extrêmement, s'il faut qu'elle coure toujours après son objet de province en province, et que presque en un moment elle passe les monts et traverse les mers avec lui. Oui mais, dira quelqu'un, qui croira peut-être avoir bien objecté, que fera donc l'imagination? et quel plaisir pourra-t-elle prendre à la lecture des histoires et des romans, où la chronologie est si différente? Ou pourquoi ne suivra-t-elle pas son objet partout, puis qu'elle ne peut être arrêtée ni par les montaignes ni par les mers?
À cela je fais réponse, que l'histoire et la comédie pour le regard de l'imagination ne sont pas la même chose: la différence est en ce point que l'histoire n'est qu'une simple narration de choses autrefois arrivées, faite proprement pour l'entretien de la mémoire, et non pour le contentement de l'imagination; où la comédie est une active et pathétique représentation des choses comme si véritablement elles arrivaient sur le temps, et de qui la principale fin est le plaisir de l’imagination. C'est pourquoi dans l'ordre de l'histoire exégématique mon imaginacion ne trouvera point étranges les longs voyages, pour ce que je suppose qu'ils ont été faits avec temps; mais dans celui de la dramatique, il est assuré que si puissante qu'elle soit elle ne s'imaginera jamais bien qu'un acteur ait passé d’un pôle à l'autre dans un quart d'heure; et quand même elle pourrait le faire, en supposant la même longueur de temps qu'elle suppose en l'histoire (ce qui néanmoins ne se permet pas en la comédie, pour la raison que j'en ai déjà donnée) il est impossible qu'une telle supposition ne lui diminue beaucoup de son plaisir, qui consiste principalement en la vraisemblance. Or puisque l'on est d'accord que l'intention du comique est de contenter l'imagination de son auditeur, en lui représentant les choses comme elles sont, ou comme elles devraient être, et que pour cet effet il emprunte le secours de la voix, des gestes, des habits, des machines et décorations de théâtre. Il me semble que les Anciens ont eu juste raison de restreindre leurs sujets dans la rigueur de cette règle, comme la plus propre à la vraisemblance des choses, et qui s'accommode le mieux à notre imagination, qui véritablement peut bien suivre son objet partout, mais qui d'autre côté ne prend pas plaisir à le faire. Il faut donc avouer que cette règle est de très bonne grâce, et de très difficile observation tout ensemble, à cause de la stérilité des beaux effects qui rarement se peuvent rencontrer dans un si petit espace de temps. C'est la raison de l'Hôtel de Bourgogne, que mettent en avant quelques-uns de nos poètes, qui ne s'y veulent pas assujettir, d'autant, disent-ils, que de cent sujets de théâtre il ne s'en trouvera possible pas un avec cette circonstance, et qu'on serait plus longtemps à le chercher qu'à le traiter et mettre en vers. Mais qu'importe-t-il du temps et de la peine pourvu que la rencontre s'en puisse faire? Il est ici question du mieux, et non pas du plus ou du moins: au lieu de dix et douze poèmes déréglés que nous ferions, contentons-nous d'en conduire un seul à sa perfection, et nous ressouvenons que le Tasso, le Guarini et le Guidobaldi se sont plus acquis de gloire, quoi que chacun d'eux n'ait mis au iour qu'une pastorale, que tel qui parmi nous a composé plus de deux cents poèmes.
Ce n'est pas que je veuille condamner, ou que je n'estime beaucoup quantité de belles pièces de théâtre, de qui les sujets ne se trouvent pas dans les bornes de cette règle. À cela près leurs autheurs et moi ne serons jamais que très bien ensemble; il est vrai qu'elles me plairont encore davantage avec cette circonstance, pource qu'elles en seraient à mon avis plus accomplies, et que je conseillerai toujours à mon ami de ne mépriser pas une grâce pour qui les Anciens et les Modernes ont eu tant de considération que de ne la séparer jamais de la beauté de leurs ouvrages. Il ne sert de rien d'alléguer, qu'il est impossible de rencontrer de beaux sujets avec la rigueur de cette condition, et que les Anciens pour éviter la confusion des temps sont tombés dans une plus grande incommodité; savoir est la stérilité des effets, qui sont si rares et si maigres en toutes leurs pièces, que la représentation n'en serait aujourd'hui que fort ennuyeuse. Car encore qu'il soit véritable que les tragédies ou comédies des Anciens soient extrêmement nues, et par conséquent en quelque façon ennuyeuses, il ne s'ensuit pas de là que la trop rigoureuse observation de cette loi les ait réduits à cette nudité d'effets et d'incidents, dont la variété certainement nous eût été plus agréable.
Car on doit se représenter que les mêmes pièces que nous trouvons aujourd'hui si simples et si dénuées de sujet chez Euripide, Sophocle, et Sénèque, étaient tenues de leur temps pour bien remplies à comparaison de celles du bon Thespis qui promenait la tragedie en charette, et du vaillant Eschylle après lui, qui pour grand ornement inventa l’usage du masque, de la courte robe, et du cothurne.
Ignotum tragicae genus invenisse Carmoenae
Dicitur, et plaustris vexisse poemata Thespis, etc.
De même que les comédies de Ménander, de Philémon, de Plaute, et de Térence, devaient être extrêmement riches, eu égard à la pauvreté de celles de Cratinus, d'Eupolis, et d'Aristophane, à cause que les uns et les autres se trouvèrent au premier âge, et par manière de dire à l'enfance de la tragédie et de la comédie. Disons donc que les Anciens nous ont laissé des poèmes beaucoup moins remplis à la verité que ne sont les nôtres, tant pour la raison que je viens d'apporter, que pour quelque autre à nous inconnue, et qu'on n'infère pas de là que la rigueur de notre règle en ait été la principale cause, comme veulent quelques-uns de ces messieurs qui n'ont pas envie de la recevoir. D'autant que nous ne pouvons croire cela sans faire tort à ces grands esprits de l'antiquité, qui sembleraient avoir eu moins d'invention en la composition de leurs sujets, que nos modernes dramatiques, qui nonobstant la difficulté de cette loi n'ont pas laissé d'en imaginer de parfaitement beaux, et parfaitement agréables, tels que sont par exemple le Pastor Fido, la Filis de Scire, et sans aller plus loin la Silvanire ou la Morte-viuv. Mais c'est fortifier de trop d'authorités et de raisons une chose qui se soutient et se défend assez d'elle même; il m'est indifférent qu'ils l'approuvent ou qu'ils la reprouvent, pour mon particulier; je sais bien à quoi je m'en dois tenir, avec bon nombre des plus habiles, particulièrement pour la pastorale, où la transgression de ces lois ne peut jamais être pardonnable, à mon avis; d'autant que le sujer en doit être feint, et qu'il ne coûte guères plus de le feindre réglé que déréglé.
Je vous ai déjà protesté, Monsieur, que ce n'est pas mon dessein d'instruire personne, ou de passer pour quelque nouveau législateur de poésie. Je ne me suis avisé de faire ce Discours que pour vous rendre compte de l'ordre et de la méthode que j'ai suivie en ce difficile genre d'écrire, de sorte que j'ai seulement travaillé pour la justification de mon ouvrage, et non pour la condemnation de ceux des autres, qui pourraient par aventure avoir violé toutes ces lois, que je fais profession d'observer, ou pour les ignorer, (ce qui ne serait guère bien) ou pour les mépriser (ce qui serait encore pis). Je passe donc à la dissection de ma pièce en tous ses membres, afin que par la division des parties il soit plus aisé de juger de la composition du tout.
Premièrement pour ce qui regarde la fable, il est hors de doute qu'elle est tout à fait de genre dramatique, non pas de constitution double, mais mixte, et de sujet non simple, mais composé. Le mélange est fait de parties tragiques et comiques, en telle façon que les unes et les autres, faisant ensemble un bon accord, ont en fin une joyeuse et comique catastrophe, à la différence du mélange qu’Aristote introduit dans la tragedie, d'une telle duplicité, que les bons y rencontrent toujours une bonne fin, et les méchants une méchante. C'est pourquoi je trouve qu'elle est plus semblable à l'Amphitrion de Plaute, qu'elle n'a de rapport avec le Cyclope d'Euripide, où la moitié de la scène regorge de sang, et l'autre nage dans le vin, et qui proprement se peut dire de double constitution. Je dis que cette fable et de sujet non simple, mais composé comme la plupart de celles de Térence, où l'on voit que l'un sert de sujet principal, et l'autre d'épisode, si bien concerté toutefois qu'il ne fait rien contre l’unité de la fable. Le principal est l'amour d'Aglante et de Silvanire, l'autre qui tient place d’épisode se forme en la personne de Tirinte et de Fossinde; les autres parties de la fable sont comme les instruments et les moyens nécessaires pour conduire le tout à sa fin avec la vraisemblance et la bienséance des choses.
Secondement, pour l'ordre du temps, il est visible qu'elle est dans la iuste règle, c’est-à-dire qu'il ne s'y trouve pas un seul effet qui vraisemblablement ne puisse arriver entre deux soleils. Je suppose que Silvanire soit tombée en léthargie sur le haut du jour, on la porte au tombeau le soir même, tant pour ôter promptement ce funeste objet aux yeux du père et de la mère, que pour ce que ce n'était pas encore la mode de laisser les morts vingt-quatre heures sur le lit; et de fait la coutume n'en est venue jusques à nous qu’après quelques fameux exemples de semblables assoupissements, joints aux cérémonies de la religion qui donne ce temps-là pour préparer les vivants à l’enterrement des morts. Sur le point du jour elle revient à soi, et dans quelques heures après, le mariage d'elle et d'Aglante et de Fossinde avec Tirinte s’achève, d'autant plus aisément qu'on ne change jamais de scène, et que toutes choses y sont disposées. De sorte que la pièce commence par un matin et finit par un autre. Or parce qu'elle est disposée à la comique, je la veux diviser en quatre parties, suivant l'ordre que les meilleurs grammairiens observent en la division de celles de Térence, savoir est en prologue, prothèse, épitase et catastrophe. Le prologue recommande la pureté de la fable, et contient une partie de l’Argument. La prothèse comprend les noces prétendues de Silvanire et de Théante, fondées sur l'avarice de Ménandre, l’aversion de Silvanire pour ce berger, l'effet du miroir d'Alciron. L'épitase contient la maladie de Silvanire, avec le mariage inespéré d'elle et d'Aglante, du consentement de ses parents, sa mort, le désespoir d'Aglante, la rage de Tirinte, et tout le Forez en dueil. La catastrophe embrasse sa resurrection, le dernier consentement du père en faveur d'Aglante la délivrance de Tirinte par l'invention de Fossinde, et bref le repos de ces amants après tant de tumultes.
Voilà, Monsieur, pour ce qui touche la nature et l'économie de mon sujet. Quant à la façon de le traiter, je l’ai prise des modernes Italiens, observant à leur exemple tant que j’ai pu la bienséance des choses et des paroles, évitant comme ils ont fait cette importune et vicieuse affectation de pointes et d’antithèses, qu'on appelle cacozélie, appuyant mes raisonnements de sentences et de proverbes, et surtout ne m'écartant jamais de mon sujet pour m'égayer en la description d'une solitude ou d'un ruisseau. Que si quelqu'un remarque que je parle d'un lévrier à la chasse du cerf, qu'il sache s'il lui plaît que j'entends parler d'un lévrier fort et léger, comme étaient ceux d'Hircanie, de la taille à peu près de ceux d'Angleterre, et de nos lévriers d'attache; aussi lui fais-je prendre un sanglier aux oreilles. Pour son étendue, il est vrai qu'elle passe un peu au delà de l'ordinaire, et que l'ayant plutôt faite pour l'Hôtel de Montmorency, que pour l'Hôtel de Bourgongne, je ne me suis pas beaucoup soucié de la longueur, qui paraît principalement au dernier acte, à cause de la foule des effets qu'il y faut nécessairement démêler; si c’est un défaut, c'est pour les impatients, et non pour les habiles. Enfin, Monsieur, pourvu que mon travail soit au goût de ceux qui l'ont parfaitement bon, comme vous l'avez, je m'en tiendrai bien récompensé. Pour le censeur, je ne l'appréhende point du tout; s'il est honnête homme je profiterai de ses avis, s'il ne l'est pas je témoignerais l’être encore moins que lui si je m’en souciais.
PRÉFACE EN FORME DE DISCOURS POÉTIQUE
À Monsieur le Comte de Carmail
Monsieur,
Il y peut avoir deux ans que Monseigneur le Cardinal de la Valette et vous me persuadâtes de composer une pastorale avec toutes les rigueurs que les Italiens ont accoutumé de pratiquer en cet agréable genre d'écrire, auquel il faut avouer que trois ou quatre des leurs ont divinement bien réussi. Le désir que j’eus de vous plaire à tous deux me fit étudier avec soin sur les ouvrages de ces grands hommes, où après une exacte recherche, à la fin je trouvai qu'ils n'avaient point eu de plus grand secret que de prendre leurs mesures sur celles des anciens Grecs et Latins, dont ils ont observé les règles plus religieusement que nous n'avons pas fait jusques ici. Je me suis donc proposé de les imiter, non pas en l'excellence de leurs pensées, à la hauteur desquelles je ne prétens pas arriver, mais seulement en l'ordre et la conduite de mon poème, que possible trouverez-vous un des plus reguliers de notre langue, après l'examen que vous en ferez s'il vous plaît à votre loisir. C'est pourquoi je me suis avisé de faire voir ce petit Discours de la Poésie, que je vous addresse, Monsieur, comme au Seigneur de la Cour de votre profession qui savez le plus de belles choses, et qui les pratiquez le mieux. Comme je suis trop jeune et trop ignorant pour enseigner, aussi ne mets-je pas cette Préface pour instruire personne: mon intention en ceci n'est que de témoigner que si je n'ai pû faire un ouvrage accompli, au moins n'ai-je pas été négligent à rechercher les moyens qui me pouvaient aider à le rendre tel, et que ma tragi-comedie n'est point une pièce à l'aventure.
DU POÈTE, ET DE SES PARTIES
Poète proprement est celui-là qui, doué d'une excellence d'esprit, et poussé d'une fureur divine, explique en beaux vers des pensées qui semblent ne pouvoir pas être produires du seul esprit humain. J'ai dit doué d'une excellence d'esprit, à la différence du prophète, à qui cette condition n'est aucunement necessaire, d'autant que les oracles que les prophètes rendaient le plus souvent en vers venaient immediatement de l'esprit divin, ou reputé tel, qui les agitait, témoins les livres des Sibilles, et les responses d'Apollon.
Par cette definicion il paraît que pour être vraiment appelé poète, il ne suffit pas d'avoir l'esprit hors du commun, ni de savoir bien tourner un vers, mais de plus qu'il est nécessaire d'avoir cette vertu naturelle de bien inventer, et cet entousiasme par qui l'âme du poète est souventes fois élevée au-dessus de sa matière, avec cet Os magna sonaturum d'Horace, qui ne se peut pas assez bien expliquer en notre langue. De là vient sans doute que quelques-uns ont fait difficulté de compter Lucain parmi les poètes, pour ce qu'il a raconté son histoire purement et simplement comme elle était arrivée, sans se servir des fictions et des inventions de la poésie. Il est vrai qu'à prendre le nom de poète un peu moins rigoureusement, quiconque faisant des vers avec art observe comme il faut la bienséance des choses et des paroles, peut être encore appellé poète; et c’est ainsi que Lucain n'est plus au nombre des historiens. Il est donc assuré que de deux sortes de qualités qui doivent entrer en la composition d'un bon poète, les unes sont purement naturelles, et les autres sont étrangères. Les naturelles à plus près sont, l'adresse d'inventer agréablement, la force de bien imaginer, et surtout l'habilité et l'inclination puissante à la poésie, qui fait par exemple que de deux esprits également bons et savants, celui-là viendra plus aisément à bout d'un grand poème, que cettui-ci ne fera pas d'une épigramme. Je ne dis rien de la netteté du jugement, d'autant que c'est une condition requise non seulement à la perfection de cet art en particulier, mais encore de tous les autres en général. Les qualités étrangères sont, la parfaite science de la langue jusques aux moindres grâces dont elle est capable, la connaissance des Bonnes Lettres, particulièrement des Humanités, comme de celles qui tombent plus communément dans la matière, et de la Philosophie Morale et Physique, dont les principes au moins sont absolument nécessaires, pour ne rien dire d'impertinent ou de contradictoire. Et finalement l'art de faire des vers non seulement dans la rigueur des règles ordinaires, mais encore avec cette élégance et cette douceur qui s'admire plutôt qu'elle ne le laisse imiter, telle qu'on la remarque en ceux de Monsieur Malherbe, et qu'on ne peut mieux exprimer que par ce je ne sais quoi, qui fait que de deux parfaitement belles femmes, l'une sera plus agréable que l'autre, sans que l'œil qui reconnaît cette grâce en puisse deviner la raison. De manière qu'après avoir considéré combien de choses excellentes concourent à la structure d'un parfait poète, il ne se faut pas étonner si la rencontre en a toujours été si difficile. Mais d'autant qu'on peut demander qui de la Nature ou de l'Art, c'est-à-dire de l'acquis, contribue davantage à l'accomplissement de ce chef-d'œuvre, il est hors de doute que l’art ne sera jamais rien d'achevé sans l'assistance de l'autre. Que si l'on veut savoir laquelle de ces deux parties se soutiendrait plus aisément d'elle-même, il y a de l'apparence que ce serait la Nature, et qu'un homme avec les seuls avantages de la naissance se témoignera mieux poète qu'un autre ne pourrait faire avec toutes les recherches et les méditations d'un long étude. Il n'en est pas de même de l'orateur, qui doit chercher la perfection du côté de l’Art, sans avoir absolument besoin du secours de la Nature, je veux dire de cette aptitude que nous avons en naissance à quelque sorte d'exercice. Fimus oratores, nascimur poetae. De là vient que quantité de beaux esprits soutenus seulement de la vigueur de leurs génies, ont fait aux siècles passés, et font encore au notre de si belles choses; témoins les poésies de Messieurs de Racan et de Saint-Amant, qui confessent eux-mêmes ingénument n'avoir iamais eu la moindre intelligence ni du grec ni du latin. Bien est-il vrai que l'étude est entièrement nécessaire à la production d'un grand ouvrage, et qu'Homère et Virgile n'eussent pas entrepris sans lui ce qu'ils ont acheté si glorieusement avec lui.
DE L'EXCELLENCE DE LA POÉSIE
Par la définition que j’ai donné du poète, il est facile de connaître que c'est que poésie. Pour son étymologie, il y a fort peu de gens qui ne sachent qu'elle est tirée du verbe grec ðïôÝù, qui signifie creo vel facio, de même que celle du mot de vers qui dérive du verbe latin verto, quod tandiu vertatur quandiu bene fiat. C'est pourquoi on appelle un vers bien fait quand il est bien tourné. Sans m'arrêter donc à ces petites observations de grammaire, je passe aux louanges de la poésie, qu'on ne peut nier être le plus digne de tous les Arts, soit pour la noblesse de son origine, comme celle qui vient immédiatement du Ciel, soit pour l'excellence des beaux effets qu'elle produit. Aussi la nomme-t-on le langage des Dieux, tant à cause qu'ils aimaient à être loués dans les temples avec hymnes et cantiques, que pour ce que la douceur en est si charmante, que si les Dieux (disaient les Anciens) avaient à converser avec les hommes, il est croyable qu'ils se serviraient du langage de la poésie, comme on le juge par les oracles qu'ils prononçaient ordinairement en vers. De là vient que les grands poètes ont mérité le titre de Divins.
DE LA DIFFÉRENCE DES POÈMES
Prendre le nom de poète selon la dernière et plus étendue définition, je trouve qu'il y a de trois sortes de poèmes; le dramatique, l’exégématique, et le mixte. L'ouvrage dramatique, autrement dit actif, imitatif, ou représentatif, est celui-là qui représente les actions d'un sujet par des personnes entreparlantes, et où le poète ne parle jamais lui-même: sous ce genre d'écrire se doivent mettre toutes les tragédies, comédies, certaines églogues et dialogues, et bref toutes les pieces où l'auteur introduit des personnes passionnées, sans qu'il y mêle rien du sien. L'exégématique ou récitatif est un ouvrage qui ne reçoit aucune personne parlante que celle de son auteur, comme sont tous les livres qui sont faits pour enseigner, ou la physique comme Lucrèce, ou l'astrologie, comme Aratus, ou l'agriculture comme Virgile en ses Georgiques, hormis quelques fables qu'il a mêlées dans le quatrième. Le mixte enfin est celui-là dans lequel le poète parle lui-même, et fait parler tantôt des Dieux et tantôt des hommes: ce genre d'écrire s'appelle autrement épique ou héroïque, à cause des héros ou grands hommes ayant quelque chose de plus qu'humain, dont ils représentent les aventures: c'est ainsi qu'Homère a magnifié les actions de son Achille, et Virgile après lui celles de son Enée. Or d'autant que ce n'est pas mon dessein de faire un Llvre au lieu d'une Préface, je me contenterai d'examiner le dramatique, comme celui qui se pratique aujourd'hui le plus, et qui seul est la véritable matière de mon Discours.
DE LA TRAGÉDIE, COMÉDIE, ET TRAGI-COMÉDIE
Le poème dramatique se divise ordinairement en tragédie et comédie. Tragédie n’est autre chose que la représentation d'une aventure héroïque dans la misère. Est adversae fortunae in adversis comprehensio. Son étymologie est tirée du mot grec ôñάãïò et øäç, dont l’un signifie bouc, et l'autre chant, à cause que le bouc était le prix qu'on donnait anciennement à ceux qui chantaient la tragédie. Comedia verò est civilis privatæque fortunae sine periculo vitae comprehensio. La comédie est une représentation d'une fortune privée sans aucun danger de la vie. Elle vient du mot xῶìç, qui veut dire bourgs ou villages, à cause que la jeunesse de l'Attique avoit accoutumé de la représenter à la campagne. De la définition de la tragédie et de la comédie on peut aisément tirer celle de la tragi-comédie, qui n'est rien qu'une composition de l’une et de l'autre. De sorte que la tragédie est comme le miroir de la fragilité des choses humaines, d'autant que ces mêmes rois et ces mêmes princes qu'on y voit au commencement si glorieux et si triomphants y servent à la fin de pitoyables preuves des insolences de la fortune. La comédie au contraire est un certain jeu qui nous figure la vie des personnes de médiocre condition, et qui montre aux pères et aux enfants de famille la façon de bien vivre réciproquement entre eux; et le commencement d'ordinaire n'en doit pas être joyeux, comme la fin au contraire ne doit jamais en être triste. Le sujet de la tragédie doit être un sujer connu, et par conséquent fondé en histoire, encore que quelquefois on y puisse mêler quelque chose de fabuleux. Celui de la comédie doit être composé d'une matière toute feinte, et toutefois vraisemblable. La tragédie décrit en style relevé les actions et les passions des personnes relevées, où la comédie ne parle que des médiocres en style simple et médiocre. La tragédie en son commencement est glorieuse, et montre la magnificence des grands; en sa fin elle est pitoyable, comme celle qui fait voir des rois et des princes réduits au désespoir. La comédie à son entrée est suspendue, turbulente en son milieu, car c'est là que se font toutes les tromperies et les intrigues, et joyeuse à son issue. De manière que le commencement de la tragédie est toujours gai, et la fin en est toujours triste; tout au rebours de la comédie, dont le commencement est volontiers assez triste, pource qu'il est ambigu, mais la fin en est infailliblement belle et joyeuse: l'une cause un dégoût de la vie, à cause des infortunes dont elle est remplie; et l'autre nous persuade de l'aimer par le contraire.
DES PARTIES PRINCIPALES DE LA COMÉDIE
La tragédie et la comédie différent entre elles non seulement en la nature de leur sujet, mais encore en la forme et la disposition de leurs parties. Mais d'autant que je veux être succinct, et que ma pastorale est tout à fait disposée à la comique, bien qu'elle soit de genre tragi-comique, il suffira que je fasse la division des parties de la comédie, sans m’arrêter à celles de la tragédie, qui sont assez amplement déduites chez le philosophe et le commentateur de Sénèque.
Les parties principales de la comédie sont quatre: prologue, prothèse, épitase, et catastrophe. Prologue est une espèce de préface, dans lequel il est permis outre l'argument du sujet de dire quelque chose en faveur du poète, de la fable même, ou de l'acteur.
Prothèse, est le premier acte de la fable, dans lequel une partie de l'argument s'explique, et l'autre ne se dit pas, afin de retenir l'attention des auditeurs.
Épitase est la partie de la fable la plus turbulente, où l'on voit paraître toutes ces difficultés et ces intrigues qui se démêlent à la fin, et qui proprement se peut appeller le nœud de la pièce.
Catastrophe est celle qui change toute chose en joie, et qui donne l'éclaircissement de tous les accidents qui sont arrivés sur la scène. Certe division est suivant l'ordre des comédies de Térence, que le Tasso et Guarini ont ponctuellement observé. Reste maintenant à savoir quelles sont les conditions essentielles de la comédie.
Il me semble avoir déjà dit que le sujet de la comédie doit être feint, à la différence de celui de la tragédie, qui doit avoir un fondement véritable et connu, comme l'Antigone et la Médée, encore qu'il soit permis d'y mêler le fabuleux; tel que la fuite de cette désespérée après l'embrasement du palais de Créon, et le retour de Thésée après son voyage aux Enfers.
Au reste le sujet de la comédie doit bien être une pure feinte, et non pas une fable; car fable est une invention de choses qui ne sont pas, et qui ne peuvent être, comme les Metamorphoses d'Ovide.
La seconde condition est l'unité d'action, c'est-à-dire qu'il y doit avoir une maîtresse et principale action à laquelle toutes les autres se rapportent comme les lignes de la circonférence au centre. Il est vrai qu'on y peut ajouter quelque chose en forme de l'épisode de la tragédie, afin de remedier à la nudité de la pièce, pourvu toutefois que cela ne préjudicie en aucune façon à l'unité de la principale action à laquelle cette-ci est comme soubordonnée; et en ce cas le sujer de la comédie n'est pas simple, mais composé, comme l'on peut voir en la plupart de celles de Térence.
La troisième et la plus rigoureuse est l'ordre du temps, que les premiers tragiques réduisaient au cours d'une journée; et que les autres, comme Sophocle en son Antigone, et Térence en son Heautontimoroumenos de Ménander, ont étendu jusqu'au lendemain; car c'est toute la même règle et la même condition aux comédies qu'aux tragédies. Il paraît donc qu'il est nécessaire que la pièce soit dans la règle, au moins des vingt-quatre heures, en sorte que toutes les actions du premier jusqu'au dernier acte, qui ne doivent point demeurer au deçà ni passer au delà du nombre de cinq, puissent être arrivées dans cet espace de temps.
Cette règle, qui se peut dire une des loix fondamentales du théâtre, a toujours été religieusement observée parmi les Grecs et les Latins. Et je m’étonne que de nos écrivains dramatiques, dont aujourd'hui la foule est si grande, les uns ne se soient pas encore avisés de la garder, et que les autres n'aient pas assez de discrétion pour s'empêcher au moins de la blâmer, s'ils ne sont pas assez raisonnables pour la suivre après les premiers hommes de l'antiquité, qui ne s’y sont pas généralement assujettis sans occasion. Pour moi je porte ce respect aux Anciens, de ne me départir jamais ni de leur opinion ni de leurs coutumes, si je n'y suis obligé par une claire et pertinente raison. Il est croyable avec toute sorte d'apparence qu'ils ont établi cette règle en faveur de l'imagination de l'auditeur, qui goûte incomparablement plus de plaisir (et l’experience le fait voir) à la représentation d'un sujet disposé de telle sorte, que d'un autre qui ne l'est pas; d'autant que sans aucune peine ou distraction il voit ici les choses comme si véritablement elles arrivaient devant lui, et que là pour la longueur du temps, qui sera quelquefois de dix ou douze années, il faut de nécessité que l'imagination soit divertie du plaisir de ce spectacle qu'elle considerait comme présent, et qu'elle travaille à comprendre comme quoi le même acteur qui naguère parlait à Rome à la dernière scène du premier acte, à la premiere du second se trouve dans la ville d'Athènes,ou dans le grand Caire si vous voulez; il est impossible que l'imagination ne se refroidisse, et qu'une si soudaine mutation de scène ne la surprenne, et ne la dégoûte extrêmement, s'il faut qu'elle coure toujours après son objet de province en province, et que presque en un moment elle passe les monts et traverse les mers avec lui. Oui mais, dira quelqu'un, qui croira peut-être avoir bien objecté, que fera donc l'imagination? et quel plaisir pourra-t-elle prendre à la lecture des histoires et des romans, où la chronologie est si différente? Ou pourquoi ne suivra-t-elle pas son objet partout, puis qu'elle ne peut être arrêtée ni par les montaignes ni par les mers?
À cela je fais réponse, que l'histoire et la comédie pour le regard de l'imagination ne sont pas la même chose: la différence est en ce point que l'histoire n'est qu'une simple narration de choses autrefois arrivées, faite proprement pour l'entretien de la mémoire, et non pour le contentement de l'imagination; où la comédie est une active et pathétique représentation des choses comme si véritablement elles arrivaient sur le temps, et de qui la principale fin est le plaisir de l’imagination. C'est pourquoi dans l'ordre de l'histoire exégématique mon imaginacion ne trouvera point étranges les longs voyages, pour ce que je suppose qu'ils ont été faits avec temps; mais dans celui de la dramatique, il est assuré que si puissante qu'elle soit elle ne s'imaginera jamais bien qu'un acteur ait passé d’un pôle à l'autre dans un quart d'heure; et quand même elle pourrait le faire, en supposant la même longueur de temps qu'elle suppose en l'histoire (ce qui néanmoins ne se permet pas en la comédie, pour la raison que j'en ai déjà donnée) il est impossible qu'une telle supposition ne lui diminue beaucoup de son plaisir, qui consiste principalement en la vraisemblance. Or puisque l'on est d'accord que l'intention du comique est de contenter l'imagination de son auditeur, en lui représentant les choses comme elles sont, ou comme elles devraient être, et que pour cet effet il emprunte le secours de la voix, des gestes, des habits, des machines et décorations de théâtre. Il me semble que les Anciens ont eu juste raison de restreindre leurs sujets dans la rigueur de cette règle, comme la plus propre à la vraisemblance des choses, et qui s'accommode le mieux à notre imagination, qui véritablement peut bien suivre son objet partout, mais qui d'autre côté ne prend pas plaisir à le faire. Il faut donc avouer que cette règle est de très bonne grâce, et de très difficile observation tout ensemble, à cause de la stérilité des beaux effects qui rarement se peuvent rencontrer dans un si petit espace de temps. C'est la raison de l'Hôtel de Bourgogne, que mettent en avant quelques-uns de nos poètes, qui ne s'y veulent pas assujettir, d'autant, disent-ils, que de cent sujets de théâtre il ne s'en trouvera possible pas un avec cette circonstance, et qu'on serait plus longtemps à le chercher qu'à le traiter et mettre en vers. Mais qu'importe-t-il du temps et de la peine pourvu que la rencontre s'en puisse faire? Il est ici question du mieux, et non pas du plus ou du moins: au lieu de dix et douze poèmes déréglés que nous ferions, contentons-nous d'en conduire un seul à sa perfection, et nous ressouvenons que le Tasso, le Guarini et le Guidobaldi se sont plus acquis de gloire, quoi que chacun d'eux n'ait mis au iour qu'une pastorale, que tel qui parmi nous a composé plus de deux cents poèmes.
Ce n'est pas que je veuille condamner, ou que je n'estime beaucoup quantité de belles pièces de théâtre, de qui les sujets ne se trouvent pas dans les bornes de cette règle. À cela près leurs autheurs et moi ne serons jamais que très bien ensemble; il est vrai qu'elles me plairont encore davantage avec cette circonstance, pource qu'elles en seraient à mon avis plus accomplies, et que je conseillerai toujours à mon ami de ne mépriser pas une grâce pour qui les Anciens et les Modernes ont eu tant de considération que de ne la séparer jamais de la beauté de leurs ouvrages. Il ne sert de rien d'alléguer, qu'il est impossible de rencontrer de beaux sujets avec la rigueur de cette condition, et que les Anciens pour éviter la confusion des temps sont tombés dans une plus grande incommodité; savoir est la stérilité des effets, qui sont si rares et si maigres en toutes leurs pièces, que la représentation n'en serait aujourd'hui que fort ennuyeuse. Car encore qu'il soit véritable que les tragédies ou comédies des Anciens soient extrêmement nues, et par conséquent en quelque façon ennuyeuses, il ne s'ensuit pas de là que la trop rigoureuse observation de cette loi les ait réduits à cette nudité d'effets et d'incidents, dont la variété certainement nous eût été plus agréable.
Car on doit se représenter que les mêmes pièces que nous trouvons aujourd'hui si simples et si dénuées de sujet chez Euripide, Sophocle, et Sénèque, étaient tenues de leur temps pour bien remplies à comparaison de celles du bon Thespis qui promenait la tragedie en charette, et du vaillant Eschylle après lui, qui pour grand ornement inventa l’usage du masque, de la courte robe, et du cothurne.
Ignotum tragicae genus invenisse Carmoenae
Dicitur, et plaustris vexisse poemata Thespis, etc.
De même que les comédies de Ménander, de Philémon, de Plaute, et de Térence, devaient être extrêmement riches, eu égard à la pauvreté de celles de Cratinus, d'Eupolis, et d'Aristophane, à cause que les uns et les autres se trouvèrent au premier âge, et par manière de dire à l'enfance de la tragédie et de la comédie. Disons donc que les Anciens nous ont laissé des poèmes beaucoup moins remplis à la verité que ne sont les nôtres, tant pour la raison que je viens d'apporter, que pour quelque autre à nous inconnue, et qu'on n'infère pas de là que la rigueur de notre règle en ait été la principale cause, comme veulent quelques-uns de ces messieurs qui n'ont pas envie de la recevoir. D'autant que nous ne pouvons croire cela sans faire tort à ces grands esprits de l'antiquité, qui sembleraient avoir eu moins d'invention en la composition de leurs sujets, que nos modernes dramatiques, qui nonobstant la difficulté de cette loi n'ont pas laissé d'en imaginer de parfaitement beaux, et parfaitement agréables, tels que sont par exemple le Pastor Fido, la Filis de Scire, et sans aller plus loin la Silvanire ou la Morte-viuv. Mais c'est fortifier de trop d'authorités et de raisons une chose qui se soutient et se défend assez d'elle même; il m'est indifférent qu'ils l'approuvent ou qu'ils la reprouvent, pour mon particulier; je sais bien à quoi je m'en dois tenir, avec bon nombre des plus habiles, particulièrement pour la pastorale, où la transgression de ces lois ne peut jamais être pardonnable, à mon avis; d'autant que le sujer en doit être feint, et qu'il ne coûte guères plus de le feindre réglé que déréglé.
Je vous ai déjà protesté, Monsieur, que ce n'est pas mon dessein d'instruire personne, ou de passer pour quelque nouveau législateur de poésie. Je ne me suis avisé de faire ce Discours que pour vous rendre compte de l'ordre et de la méthode que j'ai suivie en ce difficile genre d'écrire, de sorte que j'ai seulement travaillé pour la justification de mon ouvrage, et non pour la condemnation de ceux des autres, qui pourraient par aventure avoir violé toutes ces lois, que je fais profession d'observer, ou pour les ignorer, (ce qui ne serait guère bien) ou pour les mépriser (ce qui serait encore pis). Je passe donc à la dissection de ma pièce en tous ses membres, afin que par la division des parties il soit plus aisé de juger de la composition du tout.
Premièrement pour ce qui regarde la fable, il est hors de doute qu'elle est tout à fait de genre dramatique, non pas de constitution double, mais mixte, et de sujet non simple, mais composé. Le mélange est fait de parties tragiques et comiques, en telle façon que les unes et les autres, faisant ensemble un bon accord, ont en fin une joyeuse et comique catastrophe, à la différence du mélange qu’Aristote introduit dans la tragedie, d'une telle duplicité, que les bons y rencontrent toujours une bonne fin, et les méchants une méchante. C'est pourquoi je trouve qu'elle est plus semblable à l'Amphitrion de Plaute, qu'elle n'a de rapport avec le Cyclope d'Euripide, où la moitié de la scène regorge de sang, et l'autre nage dans le vin, et qui proprement se peut dire de double constitution. Je dis que cette fable et de sujet non simple, mais composé comme la plupart de celles de Térence, où l'on voit que l'un sert de sujet principal, et l'autre d'épisode, si bien concerté toutefois qu'il ne fait rien contre l’unité de la fable. Le principal est l'amour d'Aglante et de Silvanire, l'autre qui tient place d’épisode se forme en la personne de Tirinte et de Fossinde; les autres parties de la fable sont comme les instruments et les moyens nécessaires pour conduire le tout à sa fin avec la vraisemblance et la bienséance des choses.
Secondement, pour l'ordre du temps, il est visible qu'elle est dans la iuste règle, c’est-à-dire qu'il ne s'y trouve pas un seul effet qui vraisemblablement ne puisse arriver entre deux soleils. Je suppose que Silvanire soit tombée en léthargie sur le haut du jour, on la porte au tombeau le soir même, tant pour ôter promptement ce funeste objet aux yeux du père et de la mère, que pour ce que ce n'était pas encore la mode de laisser les morts vingt-quatre heures sur le lit; et de fait la coutume n'en est venue jusques à nous qu’après quelques fameux exemples de semblables assoupissements, joints aux cérémonies de la religion qui donne ce temps-là pour préparer les vivants à l’enterrement des morts. Sur le point du jour elle revient à soi, et dans quelques heures après, le mariage d'elle et d'Aglante et de Fossinde avec Tirinte s’achève, d'autant plus aisément qu'on ne change jamais de scène, et que toutes choses y sont disposées. De sorte que la pièce commence par un matin et finit par un autre. Or parce qu'elle est disposée à la comique, je la veux diviser en quatre parties, suivant l'ordre que les meilleurs grammairiens observent en la division de celles de Térence, savoir est en prologue, prothèse, épitase et catastrophe. Le prologue recommande la pureté de la fable, et contient une partie de l’Argument. La prothèse comprend les noces prétendues de Silvanire et de Théante, fondées sur l'avarice de Ménandre, l’aversion de Silvanire pour ce berger, l'effet du miroir d'Alciron. L'épitase contient la maladie de Silvanire, avec le mariage inespéré d'elle et d'Aglante, du consentement de ses parents, sa mort, le désespoir d'Aglante, la rage de Tirinte, et tout le Forez en dueil. La catastrophe embrasse sa resurrection, le dernier consentement du père en faveur d'Aglante la délivrance de Tirinte par l'invention de Fossinde, et bref le repos de ces amants après tant de tumultes.
Voilà, Monsieur, pour ce qui touche la nature et l'économie de mon sujet. Quant à la façon de le traiter, je l’ai prise des modernes Italiens, observant à leur exemple tant que j’ai pu la bienséance des choses et des paroles, évitant comme ils ont fait cette importune et vicieuse affectation de pointes et d’antithèses, qu'on appelle cacozélie, appuyant mes raisonnements de sentences et de proverbes, et surtout ne m'écartant jamais de mon sujet pour m'égayer en la description d'une solitude ou d'un ruisseau. Que si quelqu'un remarque que je parle d'un lévrier à la chasse du cerf, qu'il sache s'il lui plaît que j'entends parler d'un lévrier fort et léger, comme étaient ceux d'Hircanie, de la taille à peu près de ceux d'Angleterre, et de nos lévriers d'attache; aussi lui fais-je prendre un sanglier aux oreilles. Pour son étendue, il est vrai qu'elle passe un peu au delà de l'ordinaire, et que l'ayant plutôt faite pour l'Hôtel de Montmorency, que pour l'Hôtel de Bourgongne, je ne me suis pas beaucoup soucié de la longueur, qui paraît principalement au dernier acte, à cause de la foule des effets qu'il y faut nécessairement démêler; si c’est un défaut, c'est pour les impatients, et non pour les habiles. Enfin, Monsieur, pourvu que mon travail soit au goût de ceux qui l'ont parfaitement bon, comme vous l'avez, je m'en tiendrai bien récompensé. Pour le censeur, je ne l'appréhende point du tout; s'il est honnête homme je profiterai de ses avis, s'il ne l'est pas je témoignerais l’être encore moins que lui si je m’en souciais.
À MONSIEUR MAIRET, SUR SA SILVANIRE
I
Jeune Apollon de notre Cour,
Mairet dont la veine féconde
Produit des œuvres chaque jour
Qui savent charmer tout le monde,
Sans croire que nous nous lassons
Du doux accord de tes chansons,
Fais-nous en toujours de nouvelles,
Tes vers sont si nets et si doux,
Et tes conceptions si belles,
Qu'ils sont agréables à tous.
MARTIN
À MONSIEUR MAIRET
ÉPIGRAMME
Mairet tu donnes tant d'appas
À ta bergère Silvanire,
Que le Censeur ne saurait pas
Y rencontrer de quoi médire:
C'est un objet de chasteté,
C'est l'image d'une beauté
Qui brûle d'une sainte flamme;
Tu fais bien voir en ce tableau
La gentillesse de ton âme,
Et combien ton esprit est beau.
VILLENEUVE
À MONSIEUR MAIRET
SILVIE À SILVANIRE
Stances
Chère sœur, je n'ai point de honte
Que ta beauté qui me surmonte
Me rende désormais un sujet de mépris:
Je viens de mes butins augmenter ta victoire,
Et te donner toute la gloire
Pour un ornement de ton prix.
Mes yeux pleins d'une douce flamme
Pour brûler le cœur d'un Thélame
Servirent autrefois de flambeaux à l'Amour:
Mais hélas! que je crois ma conquête petite
Lorsque je connais ton mérite,
Qui doit charmer toute la Cour.
Que ta beauté me soit contraire,
Elle ne me saurait déplaire,
Malgré mon intérêt j'en aime la douceur,
l'attendrai sans douleur que ta gloire prospère,
Et pour faire vivre ton père
Que tu fasses mourir ta sœur.
j'étais autrefois la merveille,
Et vraiment j’étais sans pareille,
Si devant ta naissance il eût fini son sort:
Mais quoi que ce bonheur soit bien digne d'envie,
J'aime mieux le perdre en ta vie
Que le conserver par sa mort.
Si tu ne me veux bientôt suivre
Prends garde à le faire trop vivre,
Il en va faire encore de plus belles que toi:
De quelque éternité qu'on flatte ta naissance,
A-t-il sur toi moins de puissance
Qu'il en exerce dessus moi?
Non, tu seras toujours l'unique,
Quelque pouvoir dont il se pique,
Le monde n'a jamais vu luire qu'un Soleil:
N’appréhende donc point de trouver ta seconde,
Puisque pour t'avoir mise au monde
Ton père n'a point de pareil.
Aussi notre ville dorée
Pour voir ta grandeur adorée
Te dresse sur les monts de superbes autels,
Et ses jeunes beautés dont elle est animée
Donneront à ta renommée
Tout ce qu'on doit aux immortels.
Tu la rends bien plus glorieuse
Que cette troupe audacieuse,
Qui vient chercher la mort jusque dedans les mains,
Ni que ce grand rocher qui lui sert de murailles,
Et fendit ses dures entrailles
Pour faire un passage aux Romains.
Accepte donc cette couronne
Et ce laurier qui l'environne,
Marque de ta victoire et gage de ma foi,
Ne crains pas que jamais elle te soit ravie,
Et crois que surpassant Silvie
Toutes les autres sont à toi.
FRANÇOIS DE LISOLA
Besançonnais.
AU MÊME, SUR SA SILVANIRE
Épigramme
Agréable menteur, ta feinte nous inspire
Une si douce erreur, que prenant Silvanire
Pour un objet vivant,
Ravie de tant d'appas qu'en elle je révère,
Je te conseillerais d'être son poursuivant,
Si tu n'étais son père.
D'AL. EV. D'ALB.
À MONSIEUR MAIRET
SONNET
Jeune Cigne étranger qui des rives du Doux
Viens charmer de ton chant les peuples de la Seine,
Un ruisseau qui se brise à de petits cailloux
Coule moins doucement que ne coule ta veine.
Et quand de ton Héros si fameux parmi nous
Tu chantes les combats d'une plus forte haleine,
Nous voyons que d'un change inimitable à tous
Elle court en torrent qui ravage la plaine.
Mais de voir comme on voit la bonté de tes mœurs,
Et d'un si jeune ouvrier des ouvrages si mûrs,
C'est de quoi plus encore notre siècle s'étonne.
Car après tant d'effets que ta plume a produits,
Qui ne dit qu'au Printemps tu nous donnes des fruits
Que les plus grands Esprits n'ont donnés qu'en Automne?
De L. M.
À MONSIEUR MAIRET
SONNET
Que ces divins transports d'une amoureuse flamme
Ont de subtils appas pour charmer nos esprits,
Cher Mairet, que mes sens sont doucement épris
De la sainte fureur qui possède ton âme.
Apollon que chacun incessamment réclame
Ne doit plus écouter ni nos vœux ni nos cris,
Puisque seul désormais tu remportes le prix
D'être inspiré de lui sans encourir du blâme.
Je n'admire plus rien dedans cet Univers
Dont le bruit soit si doux que celui de tes vers:
O que ta Silvanire en doit être ravie.
Car en dépit du sort qui la mit au tombeau
Elle jouit encore d'un plus heureux flambeau,
Et te rend immortel lui redonnant la vie.
BURNEL
ALL’ SIGR MAIRET
POETA GALLICO
Mairet, che per l'eccelse e verdi cime,
Di'Pindo, oue ben rari Apollo ha scorto,
Ten vai trà'l sacro choro hor à diporto,
Et mi chiami in di à cantar versi e rime.
Me, cui dal camin destro erto e sublime
Sinistro fato in vie diverse hà torto;
In drizza col tuo stil soave e scorto
Dietro le belle tue vestigia prime.
Che di quell'altra, che con tai fatiche
Acquista sti in poggiar grado si degno,
Forse questa non fia minor corona.
Udir, Mairet hà cosi le Muse amiche,
Che puote aprir à tal (ch'e' forse in degno)
I varchi di Parnaso, & d'Helicona.
GI0. BATTISTA ROSA
Napolitano
LES PERSONNAGES
| L'AMOUR HONNÊTE, Prologue |
| AGLANTE, berger |
| HYLAS, berger |
| TIRINTE, berger |
| ALCIRON, berger |
| SILVANIRE, bergère |
| FOSSINDE, bergère |
| MÉNANDRE, père de Silvanire |
| LÉRICE, mère de Silvanire |
| LE MESSAGER |
| LE DRUIDE |
| LE CHŒUR DES BERGERS |
| LE CHŒUR DES BERGÈRES |
L' AMOUR HONNÊTE
Avant de commencer l’œuvre, Mairet ajoute una page signalant les vers oubliés en l’impression et les errata, que l’on transcribe, tout en ajoutant les vers dans les pages citées:
VERS OUBLIÉS EN L'IMPRESSION
Pag. 73.
Pourvu que d'autre part vous nous rendiez contents.
Lirez en suite,
Ayant toujours de vous l'aveugle obéissanceQue des enfants bien nés exige la naissance.
Pag. 115
Va sortir au devant s'il n'est déjà sorti.
Lisez en suite,
Aglante avec Ménandre emporte cette belle,Et Lérice les suit, tous trois aussi morts qu'elle.
Pag. 139.
Et qu’assez fixement vous vous y regardâtes.
Lisez en suite,
Durant le peu de temps que vous me le gardâtes.
Pag. 141.
Une parfaite amour toute chose surmonte.
Lisez en suite,
C'est de lui que j'attens qu'un succès fortunéCouronne mon dessein puis qu'il me l'a donné.
ERRATA
Pag. 2. Acte 1. Scène 1. au vif éclaf du feu. lisez, de feu.
Page 122. de mes cris étourdie. lisez, assourdie.
ARGUMENT DU PREMIER ACTE
ACTE PREMIER
SCÈNE PREMIÈRE
SCÈNE II
SCÈNE III
SCÈNE IV
SCÈNE V
SCÈNE VI
ARGUMENT DU DEUXIÈME ACTE
ACTE II
SCÈNE PREMIÈRE
SCÈNE II
SCÈNE III
SCÈNE IV
SCÈNE V
ARGUMENT DU TROISIÈME ACTE
ACTE III
SCÈNE PREMIÈRE
SCÈNE II
SCÈNE III
SCÈNE IV
SCÈNE V
SCÈNE VI
SCÈNE VII
ARGUMENT DU QUATRIÈME ACTE
ACTE IV
SCÈNE PREMIÈRE
SCÈNE II
SCÈNE III
SCÈNE IV
SCÈNE V
ARGUMENT DU CINQUIÈME ACTE
ACTE V
SCÉNE PREMIÈRE
SCÈNE II
SCÈNE III
SCÈNE IV
SCÈNE V
SCÈNE VI
SCÈNE VII
SCÈNE VIII
SCÈNE IX
SCÈNE X
SCÈNE XI
SCÈNE XII
SCÈNE XIII
SCÈNE XIV
SCÈNE DERNIÈRE
