Texto utilizado para esta edición digital:
Mairet, Jean. Les galanteries du duc d’Ossonne, vice-roi de Naples. Édité par Evelio Miñano Martónez. Valencia: ARTELOPE - EMOTHE Universitat de València, 2022.
- Carmen Cerdán, Rodrigo
Note sur cette édition numérique
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À très docte et très ingénieux Antoine Brun, Procureur Général au Parlement de Dole
ÉPITRE DEDICATOIRE, COMIQUE ET FAMILIERE
Monsieur mon très cher ami,
Je ne trouve aujourd’hui personne dedans ni dehors ce royaume de qui le nom, plus justement que le vôtre puisse être mis à la tête de cet ouvrage, car outre que vous êtes un des plus grands ornements de votre pays, et du mien, et que les meilleurs esprits de France, dont vous avez autrefois augmenté le nombre, font une estime très particulière de votre mérite et de votre amitié, c’est qu’avec la justice d’un si beau choix, je fais encore un acte de gratitude et de reconnaissance. Peut-être ne savez-vous pas que ce peu de bruit que m’a donné ma plume est un effet de la généreuse émulation dont celui de la vôtre éveilla mon esprit qui dormait encore alors dans la poussière et l’obscurité des écoles, de sorte que s’il est permis de comparer les petites choses aux grandes, les lauriers dont votre Muse vous avait couronné le front firent en mon cœur le même effet et la même impétuosité que ceux de Miltiade firent en celui de Thémistocle ; et je puis dire avec le poète Vérin : « Quæ didici reddo carmina Fusce tibi ».
Enfin, ce fut l’audacieux désir de porter mes pas sur les vôtres qui me persuada de changer, comme je fis à l’âge de seize ans, l’air de Besançon à celui de Paris, où presque en arrivant, je rencontrai, par une heureuse témérité, la protection et la bienveillance du plus grand, du plus magnifique et du plus glorieux de tous les hommes de sa condition que la France ait jamais porté, si nous ôtons les trois derniers mois de sa vie, avec laquelle toutes mes espérances ont fait un dernier naufrage. Je sais bien, mon très cher ami, que vous ne vous offenserez pas de ma franchise si je dis que c’est à son défaut que je vous adresse ces Galanteries du duc d’Ossonne, puisqu’il est vrai que s’il était encore au monde, ce serait lui qui les recevrait comme le véritable original de celles de notre Cour, dont il fut si longtemps la plus éclatante lumière. Ce fut cet il- lustre et déplorable héros, « quem semper amatum / Semper honoratum, sic Dî voluistis, habebo », de qui ma Muse encore au berceau reçut plus d’assistance et de bienfaits dans la faiblesse de son enfance, qu’elle n’en ose espérer désormais de tous les autres dans la vigueur de son adolescence.
J’ai commencé de si bonne heure à faire parler de moi, qu’à ma vingt-sixième année je me trouve aujourd’hui le plus ancien de tous nos poètes dramatiques. Je composai ma Chryséide à seize ans au sortir de Philosophie, et c’est de celle-là et de Sylvie, qui la suivit un an après, que je dirais volontiers à tout le monde : Delicta iuventutis meæ ne reminiscaris. Je fis La Silvanire à vingt et un, Le duc d’Ossonne à 23, Virginie à 24, Sophonisbe à 25, Marc-Antoine et Solyman à 26, de sorte qu’il est très vrai que si mes premiers ouvrages ne furent guère bons, au moins ne peut-on nier qu’ils n’aient été l’heureuse semence de beaucoup d’autres meilleurs, produits par les fécondes plumes de Messieurs de Rotrou, de Scudéry, Corneille et du Ryer, que je nomme ici suivant l’ordre du temps qu’ils ont commencé d’écrire après moi, et de quelques autres, dont la réputation ira quelque jour jusqu’à vous, particulièrement de deux jeunes auteurs des tragédies de Cléopâtre et de Mithridate, de qui l’apprentissage est un demi chef-d’œuvre, qui donne de merveilleuses espérances des belles choses qu’ils pourront faire à l’avenir.
C’est par notre commun travail que le théâtre n’a presque plus rien à désirer de cette première splendeur qu’il eut autrefois parmi les Grecs et les Romains, et que nous l’avons rendu le divertissement du Prince et de son principal Ministre, avec tant de gloire et de profit pour ses acteurs, que les plus honnêtes femmes fréquentent maintenant l’Hôtel de Bourgogne avec aussi peu de scrupule et de scandale qu’elles feraient celui du Luxembourg. Mais avec tout cela, mon cher ami, je puis vous assurer que le plus habile, ou le plus heureux d’entre nous, est encore à recevoir le premier bienfait des libéralités de la Fortune, ce qui me fait imaginer que le vénérable abbé de Tiron a recueilli lui tout seul les prétentions et les récompenses de tous les poètes ses devanciers, contemporains et successeurs. Il est vrai qu’on nous fait au Louvre des sacrifices de louanges et de fumées, comme si nous étions les dieux de l’Antiquité les plus délicats, où nous aurions besoin qu’on nous traitât plus grossièrement, et qu’on nous offrît plutôt de bonnes hécatombes de Poissy, avec une large effusion de vin d’Arbois, de Beaune et de Condrieu. On nous amuse encore d’une certaine couronne imaginaire de laurier, qui ne pourrait nous servir, quand même elle serait effective, qu’à l’assaisonnement d’une carpe au court-bouillon et, tout au plus, qu’à la décoration d’un jambon de Mayence en un festin. C’est en cette matière, comme en toute autre, que notre Martial français le président Maynard a rencontré, ce me semble fort plaisamment, quand il a dit aux Muses, parlant du poète crotté de notre gros ami Saint-Amant:
Traitez-le plus utilement,
Le laurier n’est pas une étoffe
Dont il veuille un habillement.
Il est encore vrai que Messieurs les Cordons bleus et les Princes nous font quelquefois l’honneur de nous donner place à leurs tables et dans leurs carrosses, que même ils sont assez obligeants pour nous ouvrir leurs balustres et leurs cabinets de conversation, mais, hors Monseigneur le Duc de Longueville, pas un qui vive ne s’est encore avisé de nous faire ouverture de ses cabinets d’Allemagne. Celui-là véritablement pour s’obliger la Muse d’un homme d’esprit et de suffisance, a fait une action de justice et de libéralité, qui ne rendra pas moins son jugement recommandable par le digne choix qu’il a voulu faire de la personne qui la reçoit, qu’elle fera louer sa munificence, tant par la nature extraordinaire du bienfait, que par les généreuses circonstances qui l’accompagnent ; cela s’appelle faire du bien de bonne grâce, et traiter les Muses en filles de Jupiter. Pour moi, qui ne cherchai jamais la fortune que par les belles voies, je suis d’avis qu’un homme d’esprit fasse toutes choses belles pour mériter l’estime et la faveur des puissances, mais je ne puis souffrir qu’il en exige lui-même la récompense, puisque c’est en matière d’amour seulement qu’un honnête homme a bonne grâce de demander qu’on lui fasse du bien. Quant à moi qui connais parfaitement les inclinations de la plupart, je n’espère plus d’autre fruit de mes meilleurs ouvrages que la satisfaction de les avoir faits, avec résolution de ne les adresser désormais qu’à mes amis particuliers. Dieu m’a fait la grâce d’en trouver un, tel que je le pouvais souhaiter, en la personne de Monsieur le Comte de Belin, père de celui que vous avez pu voir à la Franche-Comté, qui tout grand seigneur qu’il est, et d’une condition à me pouvoir commander en maître, ajoute néanmoins aux biens qu’il me fait, celui de la liberté qu’il m’a laissée. C’est dans sa maison, qu’on prendrait pour la véritable Académie des beaux esprits, n’était que l’on y fait trop bonne chère, que je mène une vie dont le repos n’est troublé que du souvenir d’une maîtresse. Depuis Silvanire, que je composai sous les ombrages de Chantilly, je dois le reste de mes derniers ouvrages au soin qu’il a pris de me solliciter de les faire. Voici le premier que j’ai fait auprès de lui, dont je ne doute point que ceux qui ne savent pas encore la bienséance des styles, ne trouvent les vers moins forts que ceux de Virginie ou de Sophonisbe, et qu’ils ne confondent le défaut de la bassesse avec la grâce de la naïveté, mais c’est assez pour moi que vous n’ignorez pas la différence qu’il faut mettre nécessairement entre le cothurne relevé de Sénèque et l’escarpin bas de Plaute ou de Térence. C’est pour cette raison que Pline le Jeune, ayant deux maisons de plaisance – l’une était sur une colline et l’autre dans une plaine –, appelait celle-ci la comédie, et celle-là la tragédie. Je m’étendrais plus au long sur ce sujet, mais on dirait que je veux instruire mon maître ; je finis donc après vous avoir conjuré de faire bonne chère à mon duc d’Ossonne. Je sais bien qu’il est espagnol, qu’il sort tout fraîchement du Louvre et qu’il parle assez bon français, mais enfin vous le pouvez recevoir sans vous brouiller avec l’une ni l’autre Couronne, car outre qu’il ne vous va point trouver en homme de guerre, il vous est permis d’user des droits de la neutralité de votre pays. Au reste, ne vous étonnez pas du style de mon épître ; j’ai voulu le proportionner à celui de l’ouvrage qu’elle précède, et suivre en ceci les règles de l’Architecture, qui veut que le portail soit de même ordre et de même symétrie que la maison.
Adieu. Je suis, Monsieur mon très cher ami, votre très humble serviteur et inviolable ami, Mairet.
De Paris, ce quatrième jour de janvier 1636.
Les acteurs
| Duc d’Ossonne, amoureux d’Émilie |
| Almédor, son confident |
| Camille, favori d’Émilie |
| Octave, valet de Camile |
| Paulin, mari d’Émilie |
| Fabrice, valet de Paulin |
| Basile, père d’Émilie |
| Émilie |
| Flavie, veuve, sœur de Paulin et amoureuse du duc |
| Stephanille, servante de Flavie |
ACTE I
Scène 1
Scène II
Scène III
Scène IV
Scène V
fin du premier acte
ACTE II
Scène I
Scène II
Scène III
Scène IV
fin du second acte
ACTE III
Scène 1
Scène II
Scène III
Scène IV
Scène V
fin du troisième acte
ACTE IV
Scène I
Scène II
Scène III
Scène IV
Scène V
Scène VI
Scène VII
Scène VIII
Scène IX
Scène X
Scène XI
Scène XII
Scène XIII
Scène XIV
fin du quatrième acte
ACTE V
Scène I
Scène II
Scène III
Scène IV
Scène V
Scène VI
Scène VII
Scène VIII
