Texto utilizado para esta edición digital:
Mairet, Jean. Le Roland furieux, tragicomedie. Edité par Joseph Harris, pour la collection EMOTHE. Valencia: ARTELOPE Universitat de València, 2019.
- Tronch Pérez, Jesus
 
A MONSIEUR, MONSIEUR DE BELIN
MONSIEUR,
Un moment de patience et de lecture vous va faire voir que ce Poème a des circonstances
                     hors de soi de bienséance et de gratitude, qui veulent absolument que je vous choisisse
                     plutôt qu’un autre pour être le sujet de son Épître. Mais si la volonté fait une bonne
                     partie du mérite de l’action, il est assuré que la mienne en ceci ne vous doit pas
                     beaucoup obliger, puisque c’est à regret et par la nécessité de toutes les nécessités
                     la plus dure que je m’y suis déterminé. En suite de cette déclaration, avec cette
                     franchise originaire que les Princes du monde les plus impérieux ont toujours laissée
                     par privilège à ceux de ma Nation, je ne craindrai pas de vous dire que l’estime très
                     particulière que je fais de votre Vertu n’eût pas obligé ma plume à vous en rendre
                     une preuve publique en cet Ouvrage, si celui pour qui je le fis était en état de le
                     recevoir; Ainsi, MONSIEUR, c’est à son défaut, et malgré moi, que je vous l’adresse.
                     Je ne doute point que d’abord la liberté de ce discours ne vous tient cependant si
                     raisonnable et si généreux, que vous ne ferez pas difficulté de remplir la place de
                     la personne dont je parle, quand vous saurez qu’elle a possédé tous les avantages
                     d’âme et de corps qui peuvent rendre considérable durant la vie, et regrettable après
                     la mort, un homme d’illustre naissance. À la seule inspection de son visage on pouvait
                     connaître aisément et sans se tromper la naturelle disposition de son cœur aux choses
                     bonnes et relevées. Il était riche et magnifique sans faste, habile et délicate sans
                     suffisance, bien fait et bienfaisant sans vanité, charmant et facile en sa conversation,
                     discret et gracieux en ses railleries, égal et presque inimitable en ses manières,
                     ardant et loyal en ses amitiés, fidèle et ponctuel en ses promesses. Enfin, outre
                     qu’il avait toutes les excellentes parties qui doivent entrer en la composition d’un
                     véritable Gentilhomme, il était encore Estimateur amoureux de la vertu sous quelque
                     habit qu’elle lui parût. Quoique la mienne soit assez médiocre, je dois néanmoins
                     l’honneur de sa connaissance à cette généreuse inclination qu’il eut toujours pour
                     les bonnes choses en général, et pour la Poésie en particulier. Il prit plaisir de
                     caresser le Muses en ma personne, et les charmes que je découvris en la sienne me
                     lièrent si fortement à lui par seules étreintes de l’estime et de l’amitié que le
                     seul tombeau s’est trouvé capable de m’en séparer, après six ans d’attachement. Je
                     pense, MONSIEUR, que ces derniers traits de crayon vous doivent rendre connaissable
                     sur ce papier le Portrait de feu Monseigneur votre Père, dont la mémoire et les actions
                     me seront éternellement recommandables. Si les louanges que je lui donne étaient des
                     vérités moins éclatantes qu’elles ne sont, il me serait facile de les éclairer du
                     témoignage de trois ou quatre Provinces, et particulièrement de celle du Maine, où
                     tous les honnêtes gens de l’un et de l’autre sexe, ne sont pas encore consolés de
                     la perte d’un si grand Homme, non plus que de celle de son incomparable Amy l’Illustre
                     et magnifique Charles de Beaumanoir, dernier Evêque du Mans: Au reste on ne saurait
                     dire avec raison que sa faveur ou ses emplois fussent la cause ni le soutien de son
                     crédit auprès du Peuple et de la Noblesse. Il était considérable de lui-même, et c’est
                     proprement en sa vie qu’on a sujet de remarquer la vieille querelle du Mérite et de
                     la Fortune, qui n’ayant pu souffrir qu’il ait vécu dans l’exercice des grandes Charges,
                     n’a su pour le moins empêcher qu’il ne soit mort dans la réputation de les avoir bien
                     méritées. Il est vrai que les eaux et les rochers de Milly, les Landes, les Parterres
                     et les grandes Allées du Plessis, l’Hermitage, le Parc, et l’agréable Désert du petit
                     Orgery son voisin, joint à la profonde solitude des vastes forêts qui l’environnent,
                     et les autres maisons de ce généreux Seigneur, ont été les divers Parnasses où j’ai
                     composé en divers temps, le Duc d’Ossonne, la Virginie, la Sophonisbe, le Roland: mais ce dernier a cela de plus, que ce fut pour lui proprement, et pour l’amour
                     de lui, que je le fis; l’amitié qu’il avait pour ce Sujet, qui ce me semble, est une
                     des plus riches inventions de l’Arioste, contribua beaucoup à me le rendre plus aimable,
                     et le soin que j’ai toujours eu de lui plaire, me le fit accommoder à la Scène, autant
                     que sa nature l’a pu souffrir. Après une circonstance de si grande marque pour l’Ouvrage,
                     et de si forte considération pour l’Auteur, à qui le pourrait-il adresser avec plus
                     de justice et de bienséance qu’à vous, MONSIEUR? de qui les louables habitudes nous
                     font raisonnablement espérer que vous témoignerez bientôt digne Fils d’un si digne
                     Père, et croire que vous n’avez pas seulement hérité de ses Biens et de sa Noblesse,
                     mais encore de ses Amis et de son Courage. Si le vôtre, pour être plus vivement excité,
                     avait besoin de l’aiguillon des exemples domestiques, je vous prierais d’ajouter au
                     triste souvenir de cette belle Vie, qui fut la source de la vôtre, l’agréable lecture
                     de celle de votre Aïeul paternel, jadis Gouverneur de Paris, et depuis Chevalier des
                     deux Ordres de nos derniers Rois, dont il se vit honoré de la même main, contre laquelle
                     il avait armé la sienne pour la défense des Autels, en ce tragique temps de désordre
                     et de division, où le mauvais Génie de la France tenait en deux partis contraires
                     les volontés de tous ses Peuples: Mais sachant trop combien votre Vertu est active
                     d’elle-même, je vous conjurerais plutôt de la retenir, et d’en modérer pour le moins
                     cette partie qu’on a toujours compté la première entre les meilleures qualités qui
                     font la gloire d’un homme d’épée. Le Destin de ce généreux Aisne, qu’un malheureux
                     combat nous a ravi depuis deux ans par une fin précipitée, ne suffit-il pas à vous
                     enseigner qu’il n’est guère moins dangereux de suivre en toute occasion les mouvements
                     impétueux d’une valeur immodérée, que de courir souvent sur le penchant des précipices,
                     sous la conduite d’un aveugle, ou d’un furieux? Il faut, MONSIEUR, que vous prescriviez
                     des bornes au malheur de votre Maison, et jouissant d’une plus longue vie que ce brave
                     Frère, que vous donniez aussi une carrière de plus longue étendue à votre mérite.
                     C’est l’espérance et le souhait de
MONSIEUR,
Votre très humble et très fidèle serviteur,
MAIRET 
                  
AVERTISSEMENT
Outre que la Furie de Roland a donné le nom a ce miraculeux Ouvrage, par qui l’Arioste
                     s’est acquis le titre de Divin, il faut prendre garde que cet excellent sujet est
                     encore accompagné d’une beauté naturelle que je n’ay jamais remarquée en aucune pièce
                     de Théâtre. C’est qu’il embrasse par Episode la mort de Zerbin et d’Isabelle, de façon
                     qu’il est véritable de dire, qu’il contient une Tragédie et une Tragi-comédie tout
                     ensemble. Au reste la nature de ce Poème étant absolument rebelle à la règle du temps,
                     je l’ai pour le moins assujettie à celle de la Scène, que vous trouverez uniforme
                     et fort agréable, si je ne me trompe, aux Fables de mon invention, je suis assez religieux
                     observateur de l’une et de l’autre. Au reste, l’Auteur Italien ayant à guérir son
                     Héros, le fait abattre et lier assez plaisamment par huit ou dix des plus forts hommes
                     de son Siècle. Pour moi, ne jugeant pas que cette invention fut de la bienséance,
                     ni de la commodité du Théâtre, j’ai mieux aimé le faire endormir, et rendre le Sommeil
                     visible, conformément à la manière d’inventer de l’Arioste, qui fait bien combattre
                     Renaud contre le Dédain, sous les armes et la figure d’un Chevalier. Après tout, cette
                     hardiesse a son exemple et son autorité chez Virgile en la disgrâce de Palinure.
PRIVILEGE DU ROY
Louis par la grâce de Dieu Roy de France et de Navarre, À nos aimés et féaux Conseillers
                     les Gens tenant nos Cours de Parlement, Maîtres des Requêtes ordinaires de notre Hôtel,
                     Baillis, Sénéchaux, Prévost, leurs Lieutenants, et tous autres de nos Justiciers et
                     Officiers qu’il appartiendra, Salut. Notre bien-aimé Augustin Courbé, Libraire à Paris,
                     nous a fait remontrer qu’il désirerait imprimer, Une Tragi-comédie intitulée, Le Roland Furieux, composée par le Sieur de Mairet, s’il avait sur ce nos Lettres nécessaires, lesquelles il nous a très humblement
                     supplié de lui accorder: A ces causes, nous avons permis et permettons à l’exposant
                     d’imprimer, vendre et débiter en tous lieux de notre obéissance la Tragi-comédie,
                     en telles marges, en tels caractères, et autant de fois qu’il voudra, durant l’espace
                     de sept ans entiers et accomplis, à compter du jour qu’elle sera achevée d’imprimer
                     pour la première fois; et faisons très expresses défenses à toutes personnes de quelque
                     qualité et condition qu’elles soient, de l’imprimer, faire imprimer, vendre ni distribuer
                     en aucun endroit de ce Royaume, durant ledit temps, sous prétexte d’augmentation,
                     correction, changement de titre, ou autrement, en quelque forte et manière que ce
                     soit, à peine de quinze cens livres d’amende, payables sans déport par chacun des
                     contrevenants, et applicables un tiers à nous, un tiers à l’Hôtel-Dieu de Paris, et
                     l’autre tiers à l’exposant, de confiscation des exemplaires contrefaits, et de tous
                     dépens, dommages et intérêts, à condition qu’il en sera mis deux exemplaires en notre
                     Bibliothèque publique, et une en celle de notre très cher et féal le Sieur Séguier,
                     Chancelier de France, avant que l’exposer en vente, à peine de nullité des présentes:
                     du contenu desquelles nous vous mandons que vous fassiez jouir pleinement et paisiblement
                     l’exposant, et ceux qui auront droit d’icelui, sans qu’il leur sait fait aucun trouble
                     ni empêchement. Voulons aussi qu’en mettant au commencement ou à la fin du livre un
                     bref extrait des présentes, elles soient tenues pour dûment signifiées, et que foi
                     y soit ajoutée, et aux copies d’icelles collationnées par l’un de nos aimés et féaux
                     Conseillers et Secrétaires, comme à l’original. Mandons aussi au premier notre Huissier
                     ou Sergent sur ce requis, de faire pour l’exécution des présentes tous exploits nécessaires,
                     sans demander autre permission: Car tel est notre plaisir, nonobstant oppositions
                     ou appellations quelconques, et sans préjudice d’icelles, clameur de Haro, chartre
                     Normande, et autres Lettres à ce contraires. Donné à Paris le vingt-troisième de Février,
                     l’an de grâce mil six cents trente-neuf, et de notre règne le vingt-neuvième. Signé,
                     Par le Roy en son Conseil, CONRART.
Les exemplaires ont été fournis, ainsi qu’il est porté par le Privilège.
Achevé d’imprimer le 20 jour de Février 1640.
                  
LES ACTEURS
| ROLAND | 
| MÉDOR | 
| ZERBIN | 
| RODOMONT | 
| ARONTE confident de Rodomont | 
| COURRIER d’Agramant | 
| ASTOLPHE | 
| BERTRAND hôte d’Angélique | 
| L’HERMITE | 
| TROIS PAYSANS | 
| ANGÉLIQUE | 
| ISABELLE | 
| BERENICE femme de Bertrand | 
| [PASTEURS] | 
ACTE PREMIER
SCENE PREMIERE
SCENE II
SCENE III
SCENE IV
ACTE II
SCENE PREMIERE
SCENE II
SCENE IV
ACTE III
SCENE PREMIERE
SCENE II
SCENE III
SCENE IV
SCENE V
ACTE IV
SCENE PREMIERE
SCENE II
SCENE III
SCENE IV
SCENE V
SCENE VI
ACTE V
SCENE PREMIERE
SCENE II
SCENE III
SCENE DERNIERE
