SCÈNE I
GIRARD, vieillard, EUSTACHE, fils de Girard
GIRARD
159Eustache, tu vois que de tous les enfants qu’il a plu à Dieu de me donner, il ne me reste que toi en ce monde ; et par là tu peux penser que ce que j’en fais n’est que pour ton avancement ; aussi que je suis bien aise, avant que Dieu m’ôte de ce monde, de te voir bien pourvu et allié à quelque bonne maison, car quant est des biens, Dieu merci, tu en auras assez, et je serais bien maraud si, ta mère et moi étant morts, tu ne pouvais vivre seul de ce qui suffit bien maintenant à en entretenir trois. Partant, il te faut te résoudre sans plus différer, d’autant que j’espère cette après-dînée t’accorder à Geneviève ou demain pour le plus tard ; et puis, j’ai appris dès mon jeune âge qu’il ne faut jamais laisser traîner une affaire, mais qu’il faut battre le fer tandis qu’il est chaud.
EUSTACHE
160Mon père, pardonnez-moi, s’il vous plaît ; mais je ne puis si tôt lâcher une parole qui me pourrait préjudicier tout le temps de ma vie.
GIRARD
161Comment dis-tu cela ? Tes propos montrent bien que tu n’es qu’un enfant. Il n’y a pas encore deux jours que tu ne cessais de m’en rompre la tête, et maintenant il semble que tu veuilles retirer ton épingle du jeu.
EUSTACHE
162Vous dites vrai, je ne suis qu’un enfant, et je vous dis bien plus, qu’étant encore enfant, et ne me pouvant pas bien gouverner moi-même, à grand peine en pourrais-je gouverner deux. Mon père, il me semble qu’il sera temps de me marier quand j’aurai atteint l’âge de discrétion.
GIRARD
163Si est-ce que je ne t’estime point si volage, et de si peu de jugement, que sans occasion tu aies déposé l’affection que tu portais à Geneviève. Il faut bien dire qu’il y a autre chose. Eustache, ne me cèle rien, et pense que je ne te suis moins bon ami que bon père.
EUSTACHE
164Pardonnez-moi. Rien ne m’a détourné de mon premier propos, sinon qu’il me semble que rien ne nous presse.
GIRARD
165Cela s’appelle, en bon français, tourner la truie au foin. Dis-moi hardiment la cause qui t’en a fait perdre le goût, ou sois assuré que tu ne me fais pas plaisir.
EUSTACHE
166Je ne voudrais pour rien au monde entrer en votre male grâce. Sachez donc que hier au soir, comme nous étions allés en masque, Basile et moi, au logis de madame Louise, je m’aperçus de ce dont je ne m’étais douté auparavant, et vis clairement que si Geneviève avait par ci-devant fait semblant de m’aimer, ce n’avait été que pour complaire à sa mère, laquelle, à la vérité, voudrait bien que je fusse son gendre ; mais j’ai connu que Basile était mieux dans les bonnes grâces de la fille que moi.
GIRARD
167Notre-Dame ! Que me dis-tu ? Je suis plus étonné que si des cornes m’étaient venues ! Mais possible que l’amour, lequel est ordinairement accompagné de jalousie, te fait croire cela ; et possible qu’elle prenait Basile pour toi, d’autant qu’il était vêtu de tes habits.
EUSTACHE
168Je vous dirai comment tout se passa. Quand nous fûmes entrés dans la salle, et que nous eûmes dansé un petit ballet, Basile, en rompant la promesse qu’il m’avait faite de ne prendre Geneviève, s’adressa de plain saut à elle, et moi à sa cousine, pour danser un branle, lequel étant fini, chacun se mit à deviser avec celle qu’il menait. Ce fut alors que je connu clairement l’affection mutuelle qu’ils se portaient, tant aux façons de faire de Geneviève qu’à leurs propos, que j’entendais parfois, m’étant assis tout exprès auprès d’eux ; et cependant que je faisais semblant de deviser avec sa cousine, j’avais, comme l’on dit, une oreille aux champs et l’autre à la ville. Ils furent plus d’une bonne demi-heure en discours et menus devis, et m’assure qu’ils ne s’ennuyaient pas. Je vous laisse à penser s’ils parlaient d’enfiler des perles ou d’enchérir le pain.
GIRARD
169S’il n’y a que cela, non force ; peut-être que Basile n’y pensait pas à mal, mais comme il est accort, s’étant mis en quelque propos, il voulait montrer qu’il n’était apprenti d’entretenir les filles ; ou bien il faisait cela pour éprouver ta patience et te donner un peu de martel en tête. Je connais l’humeur du pèlerin.
EUSTACHE
170Il serait bien homme pour l’avoir fait à cette intention, et vous puis assurer que peu s’en fallut que je ne lui ravisse Geneviève d’entre les mains.
GIRARD
171Cela n’eût été ni beau ni honnête.
EUSTACHE
172Croyez que je ne savais sur quel pied danser, et me servit bien que j’étais masqué : autrement un chacun eût pu connaître facilement aux changements de ma face l’altération en laquelle j’étais ; car pour ne vous déguiser les matières, je serais bien content d’épouser Geneviève, quand je saurais qu’elle m’aimerait ; mais aussi si elle ne m’aimait, je ne daignerais faire un pas.
GIRARD
173Nous nous en éclaircirons quand il faudra qu’elle dise oui.
EUSTACHE
174Avisez au moins que ce ne soit trop tard.
GIRARD
175Nous ne saurions savoir plutôt que cette après-dînée que l’on fera, comme j’espère, le premier ban.
EUSTACHE
176Si Basile l’aime, je ne voudrais entreprendre sur ses marches, car il m’est trop mon ami.
GIRARD
177Si j’ai quelque peu d’entendement, elle ne nous peut échapper. Tu lui as ouï dire souvent qu’elle n’a autre volonté que celle de sa mère : or, quant est de sa mère, elle est toute à notre dévotion.
EUSTACHE
178Mon père, les filles bien souvent disent d’un et pensent d’autre ; puis, quand ce vient au faire et au prendre, c’est alors qu’elles montrent leur tête, et puis je vous laisse à penser si ce n’est pas pour rendre un homme bien camus. Mais voilà madame Louise et sa commère Françoise qui s’en reviennent de l’église.
GIRARD
179Je serai donc relevé de la peine de l’aller chercher, car je n’eusse été en repos avant que j’en eusse sue le tu autem. Allons au-devant d’elles.
SCÈNE II
LOUISE, FRANÇOISE, GIRARD, EUSTACHE
LOUISE
180Mon Dieu, ma commère, que le sermon m’a ennuyée cette matinée ! Jamais je n’ai pensé voir l’heure que ce jacobin sortirait de chaire, tant j’avais froid aux pieds.
FRANÇOISE
181Je n’ai pas été à l’église si longtemps que vous, et si je suis toute gelée. Mais, dites-moi, où est madame l’accordée ?
LOUISE
182Quelle accordée ?
FRANÇOISE
183Votre fille Geneviève.
LOUISE
184Par mon âme, vous êtes une mauvaise femme ! Je l’avais amenée ce matin avec moi, mais le froid l’a chassée de l’église, après qu’elle a ouï une basse messe.
FRANÇOISE
185Vous êtes donc sorties du logis avant que les chats fussent chaussés ; c’était, comme je crois, de peur des mouches.
LOUISE
186Vous dites mieux possible que vous ne pensez ; mais qui vous a dit qu’elle était accordée ?
FRANÇOISE
187Me le demandez-vous ? Les petits enfants en vont à la moutarde.
LOUISE
188Ma commère, m’amie, Geneviève est une mauvaise fille, car il n’a tenu qu’à elle qu’elle n’ait été accordée.
FRANÇOISE
189À qui donc ? Au seigneur Basile ?
LOUISE
190Ne me parlez jamais de cet homme-là, si vous voulez me faire plaisir !
FRANÇOISE
191Pourquoi, ma commère ?
LOUISE
192Par Saint Jean ! pour ce que ma fille n’est pas pour lui, et qu’il s’en torche hardiment le bec.
FRANÇOISE
193Si est-ce qu’il a le bruit d’être honnête homme, et je pensais en bonne foi (Dieu me le veuille pardonner !) que votre fille le dût avoir, d’autant que vous lui en avez fait autrefois parler et que je pensais qu’ils s’aimaient l’un l’autre.
LOUISE
194Ma commère, je sais bien que Basile est de vos bons amis et voisins, et à cause du voisinage, il n’est pas qu’il ne vous ait rien communiqué de ses affaires ; d’autant même qu’il vous voit hanter avec nous assez privément de votre grâce ; mais je vous supplie, sur tous les plaisirs que vous me voudriez faire, de ne parler de lui à Geneviève, car j’ai délibéré de la donner à Eustache, fils de Girard, lequel me presse bien fort, et lui fait de beaux avantages, ayant déjà accordé les articles ainsi que je les lui ai proposés.
FRANÇOISE
195Sainte-Dame ! Je n’ai garde de lui sonner mot, puisque vous me l’avez défendu, mais j’ai grand peur que Girard et Eustache aient ouï ce que nous avons dit, car les voilà tout contre nous. Voyez comme ils sont émerillonnés et sentent déjà tout leur rôt.
GIRARD
196Bonjour, mesdames.
LOUISE
197Dieu vous garde du mal, messieurs.
GIRARD
198Je ne pensais, en bonne foi, que nous dussions ce matin faire si bonne rencontre.
LOUISE
199Si vous l’estimez bonne, nous la pensons avoir faite encore meilleure.
GIRARD
200Eh bien ! Madame, ne mettrons-nous jamais fin à ce dont nous avons tant parlé depuis un mois en çà ?
LOUISE
201Je vous promets ma foi qu’il ne tiendra pas à moi.
GIRARD
202Il ne tiendra donc à personne, si ce n’est possible à Geneviève.
LOUISE
203Non, non, ma fille voudra tout ce que je voudrai ; mais parce que le froid me presse d’aller trouver les tisons, et que j’ai bonne envie de vous dire beaucoup de choses, je vous prie, entrons en la maison. Et puis ce que je vous veux dire n’est pas chose qui se doive traiter en rue.
GIRARD
204Je le veux bien.
LOUISE
205Adieu, ma commère ; excusez-moi si je vous fausse compagnie.
EUSTACHE
206Mon père, mais que j’ait dit deux mots à madame Françoise, je vous irai trouver.
GIRARD
207Ne faux donc pas, car je crois que nous aurons affaire de toi.
FRANÇOISE
208Ce jeune homme-ci pense me tirer les vers du nez ; mais il y viendra à tard. Fin contre fin n’est pas bon à faire doublure.
EUSTACHE
209Madame Françoise, et bien ! Que dit le cœur ? Quelle femme êtes-vous ?
FRANÇOISE
210Une pauvre pécheresse qui court à la mort au grand galop, et qui a trois pauvres filles à marier sur les bras, sans savoir où est le premier denier de leur mariage.
EUSTACHE
211Ceux qui ont bonne espérance en Dieu ne sont que trop riches.
FRANÇOISE
212Cela est bien vrai ; mais ce qui me fâche le plus c’est mon hôte, lequel menaçait encore hier de m’envoyer un sergent, pour deux termes que je lui dois.
EUSTACHE
213N’avez-vous point quelque ami qui vous les prête ?
FRANÇOISE
214Une pauvre femme n’a que trop d’amis de bouche, mais bien peu de bourse.
EUSTACHE
215Que n’employez-vous le seigneur Basile, votre voisin ? Car je m’assure qu’il vous prêterait volontiers dix écus, et davantage si vous l’en requériez.
FRANÇOISE
216Hélas ! Monsieur, je n’oserais de peur d’être éconduite ; c’est celui que je ne connais comme point, et je ne pense pas avoir parlé à lui plus de deux fois, encore il y a plus de sept semaines.
EUSTACHE
217Touchez là. Si vous me voulez dire la vérité de quelque chose que je vous demanderai, ne vous souciez : je paierai ce que vous devez.
FRANÇOISE
218Je vous remercie, monsieur. Croyez que l’aumône sera aussi bien employée en moi qu’en autre qui vive.
EUSTACHE
219Dites-moi, ne vous êtes-vous point aperçue que Basile fait l’amour à la fille de madame Louise ?
FRANÇOISE
220S’il en était quelque chose, je le saurais. Il est bien vrai qu’on en a autrefois parlé, mais il y a plus d’un an que les choses sont demeurées là. Et si je vous dirais bien quelque chose, n’était que je crains que vous soyez babillard.
EUSTACHE
221Dites hardiment.
FRANÇOISE
222Je veux devant que me promettiez de ne le redire à personne, non pas même à votre père.
EUSTACHE
223Je vous le promets sur ma foi.
FRANÇOISE
224Monsieur, vous savez comme je hante privément chez madame Louise, et qu’elle me communique toutes ses affaires, de telle façon qu’elle ne tournerait pas un œuf, par manière de dire, sans m’en demander conseil. Vous pouvez penser que sa fille n’en fait pas moins, et que je suis comme la trésorière de ses menus affaires. Sachez donc que hantant et fréquentant en la maison, j’ai connu que, si la mère a grande affection que, vous soyez son gendre, la fille ne désire pas moins que vous soyez son mari, bien qu’elles soient induites à faire ce souhait par diverses raisons.
EUSTACHE
225Dites-moi quelles.
FRANÇOISE
226Je ne me ferais prier de vous les dire, n’était que vous m’ayez en réputation d’une flatteuse.
EUSTACHE
227Madame Françoise, vous me faites tort. Je vous ai en opinion de la plus femme de bien de toute notre paroisse, et suis bien sûr que vous ne voudriez, pour mourir, tacher votre conscience de ce vilain vice de flatterie.
FRANÇOISE
228Vous dites bien quant à ce dernier point ; mais quant au premier, je ne vous l’accorde pas. Au contraire, je confesse et reconnais que je suis une pauvre femme qui offense Dieu plus souvent qu’il n’y a de minutes au jour, et que, si Dieu ne m’use de miséricorde, à grand’peine le pourrai-je jamais contempler en sa gloire.
EUSTACHE
229Ma foi, si vous n’êtes sauvée, beaucoup de gens de bien doivent avoir belle peur. Mais, je vous prie, laissons ces propos, et ne craignez de me dire tout ce qu’il vous plaira.
FRANÇOISE
230Donc, puisque vous le trouvez bon, je vous dis que Louise, étant avertie des grands biens que vous avez, désire surtout votre alliance. Quant à sa fille, j’ai su d’elle que devant qu’elle sut qui vous étiez, une fois pour vous avoir vu danser en une noce dont vous étiez tous deux, elle devint ce jour-là si extrêmement amoureuse de votre beauté et de vos bonnes grâces, qu’elle délibéra dès lors, s’il lui était possible, de vous avoir pour mari, ou plutôt d’être religieuse que d’en épouser un autre ; si bien que la pauvre fille endure la plus cruelle passion que l’on saurait imaginer, car étant de nature fort honteuse et nourrie en la crainte de Dieu et de ses parents, elle est contrainte de ronger son frein à part soi, sans oser montrer par aucun signe l’amitié qu’elle vous porte.
EUSTACHE
231Vraiment, si je pensais qu’elle m’aimât tant soit peu, l’affection que je lui porte redoublerait en moi de moitié.
FRANÇOISE
232M’estimeriez-vous bien si méchante et malheureuse que je voulusse mentir, même aujourd’hui qu’il est notre fête ?
EUSTACHE
233Votre prud’homie sera donc cause que je croirai plutôt votre bouche que mes yeux.
FRANÇOISE
234Monsieur, vous faites fort bien d’aimer Geneviève ; car outre qu’elle vous aime uniquement et qu’elle vous porte continuellement dans son cœur et dans ses yeux, elle a beaucoup de bonnes qualités qui la rendent aimable autant que fille qui soit en France. Elle est bonne catholique, riche et bonne ménagère. Elle dit bien, elle écrit comme un ange. Elle joue du luth, de l’épinette, chante sa partie sûrement, et sait danser et baller aussi bien que fille de Paris. En matière d’ouvrages de lingerie, de point coupé et de lassis elle ne craint personne ; et quant est de besogner en tapisserie, soit sur l’étamine, le canevas ou la gaze, je voudrais que vous eussiez vu ce que j’ai vu. Et outre tout cela, elle est des plus belles de tout le quartier ; et croyez que sa beauté n’est point de celles que l’on enferme dans des boëtes et que l’on prend le matin quand on se lève : elle est naturelle, et je suis sûre que tout le fard dont elle use pour la face, pour les dents et pour les mains n’est autre chose que la belle eau claire du puits de sa maison.
EUSTACHE
235Je crois que tout ce que vous dites est vrai, et je vous dis davantage que cette beauté naïve, dont elle montre ne tenir grand compte, me plaît sans comparaison plus que ces grandes dames si attifées, goderonnées, licées, frisées et pimpantes qui ne font autre chose tout le long du jour que tenir leur miroir pour voir si elles sont bien coiffées et si un cheveu passe l’autre, et à toute heure ont la main à leur tête ou à leur collet. Surtout une femme fardée me déplaît quand elle serait belle comme une Hélène, et je ne la voudrais baiser pour grand chose, d’autant que je sais bien que le fard n’est autre chose que poison. Il me souvient d’avoir une fois gouverné une femme fardée, et par mignardise il m’advint de lui baiser le front et la joue ; je vous jure Dieu que les lèvres m’enlevèrent aussitôt et je pensai bien être empoisonné.
FRANÇOISE
236Il ne se faut donc plus étonner si ces visages blanchis, vermillonnés, et qui ont une croûte de fard plus épais que les masques de Venise, commencent à perdre leur crédit entre gens de bon esprit ; puisqu’au temps où nous sommes, les jeunes hommes de dix-huit ans savent plus de besognes que les vieilles gens qui vivaient lorsque j’allais à l’école.
EUSTACHE
237Pensez-vous que les jeunes hommes fassent la cour aux dames pour savoir quel goût a le sublimé, le talc calciné, la biaque de Venise, le rouge d’Espagne, le blanc de l’œuf, le vermillon, le vernis, les pignons, l’argent vif, l’urine, l’eau de vigne, l’eau de lis, le dedans des oreilles, l’alun, le camphre, le boras, la pièce de levant, la racine d’orcanète, et autres telles drogues, dont les dames se plâtrent et enduisent le visage, au grand préjudice de leur santé ? D’autant que, avant qu’elles aient atteint l’âge de trente-cinq ans, cela les rend ridées comme vieil cordouan, ou plutôt comme de vieilles bottes mal graissées, leur fait tomber les dents et leur rend l’haleine puante comme un trou punais. Croyez que, quand je pense seulement à de telles vilenies, peu s’en faut que je ne rende ma gorge.
FRANÇOISE
238Saint-Jean ! Vous êtes plus savant que je ne pensais ! Mais vous ne devez craindre que Geneviève use de tous ces artifices.
EUSTACHE
239Je penserais avoir commis un grand péché, si je l’en avais soupçonnée tant seulement.
FRANÇOISE
240Je vous assure que, si elle vous plaît maintenant, avant qu’il soit un mois elle vous reviendra davantage.
EUSTACHE
241Vous voulez dire, comme je crois, après qu’elle ait senti le mâle ?
FRANÇOISE
242Sauf votre grâce, ce n’est pas cela.
EUSTACHE
243A quoi tient-il donc qu’elle n’est aussi belle qu’elle sera quelque jour ?
FRANÇOISE
244Je vous le dirai, à la charge d’être secret. Vous devez savoir que la pauvre fille est infiniment tourmentée d’un chancre qu’elle a à un tétin, il y a près de trois ans, et n’y a autre que sa mère et moi qui en sachent rien. Mais nous avons bonne espérance qu’elle se portera bien avant qu’il soit quinze jours.
EUSTACHE
245Je suis bien aise et marri tout ensemble d’avoir su cela, et vous en remercie bien fort.
FRANÇOISE
246N’était que je suis sûre que vous l’aimez et que vous supporterez facilement cette petite imperfection, qui n’est comme rien, je me fusse bien gardée de vous en entamer le propos. Avisez seulement de tenir cela secret, car si vous le redites, c’est assez pour me ruiner.
EUSTACHE
247N’en ayez point de peur.
FRANÇOISE
248Vous plaît-il de me commander quelque chose ?
EUSTACHE
249Vous savez bien que je vous voudrais obéir.
FRANÇOISE
250Adieu donc, monsieur, et ne vous déplaise si je vous sommerai bientôt de votre promesse.
EUSTACHE
251Vous n’en aurez la peine, car je satisferai à votre hôte avant qu’il soit demain nuit.
FRANÇOISE
252Je vous en remercie bien fort, monsieur.
SCÈNE IV
RODOMONT, EUSTACHE, GENTILLY, laquais d’Eustache
RODOMONT
254J’avais toujours jusques ici pensé que tout ce qu’on lit dans Perceforest, Amadis de Gaule, Palmerin d’Olive, Roland le furieux et autres romans, fussent des choses controuvées à plaisir, comme parfaitement impossibles, ne me pouvant mettre en la tête que l’amour ait pu induire ces chevaliers et paladins à faire des choses si étranges ; et toutes les fois que je lisais le désespoir du beau Ténébreux, les preuves de Florisel, les combats d’Agesilan, les folies de Roland et autres semblables, je ne pouvais croire qu’une seule défaveur de leurs dames, ou une petite jalousie qu’ils se forgeaient en la tête les put faire entrer en telle furie, que les uns en perdaient le sens, les autres ne craignaient de s’exposer à des aventures étranges, qu’ils mettaient heureusement à fin, échappant des dangers incroyables. Mais maintenant que j’éprouve en moi-même quelles sont les passions qu’une beauté cruelle peut donner, je ne m’étonne plus des armes que ces anciens preux faisaient, et il me semble encore qu’ils s’y portaient assez lâchement ; car l’amour qui me brûle me ferait entreprendre non de conquérir une Île Ferme, de tuer un Cavalion ou un Endrague, mais d’assaillir une armée de cent mille hommes, voire toutes les forces du Turc, du Sophi et du grand kan de Tartarie, quand elles seraient ensemble.
EUSTACHE
255Il serait bien facile de les assaillir, mais malaisé de les défaire.
RODOMONT
256J’entends quelqu’un parler auprès de moi. Ha ! Seigneur Eustache, c’est donc vous ? Que dit le cœur ? Vous me semblez tout triste : quelqu’un vous a-t-il fait tort ? Dites-moi qui c’est et me laissez faire, car pardieu ! J’ai bien délibéré de lui faire voler la tête de dessus les épaules, et fût-ce un César ou Charlemagne.
EUSTACHE
257Seigneur Rodomont, pardonnez-moi ; autre ne m’a fait tort que mon propre vouloir, duquel je ne puis avoir raison.
RODOMONT
258Vous me faites tort, si vous ne me dites que c’est.
EUSTACHE
259Excusez-moi, s’il vous plaît, je ne puis pour cette heure ; une autre fois nous aurons tout le loisir d’en parler.
RODOMONT
260Il ne me veut dire ce qu’il a, mais je le sais aussi bien que lui. Et bien ! Je ne vous importunerai maintenant touchant cela ; je vous prierai seulement de me faire un autre plaisir.
EUSTACHE
261Je le ferai s’il est en ma puissance.
RODOMONT
262J’ai entendu que vous fûtes hier en masque avec Basile ; je ne me suis autrement enquis en quelle compagnie vous allâtes.
EUSTACHE
263Plût à Dieu que je n’y eusse point été !
RODOMONT
264Que parlez-vous d’été, maintenant qu’il fait si froid ?
EUSTACHE
265Rien, rien ; je dis seulement que j’y ai été.
RODOMONT
266Or je vous voudrais prier qu’il vous plût me prêter votre habit que Basile portait, et je vous le rendrai avant qu’il soit quatre heures d’ici.
EUSTACHE
267Je le veux bien, mais il faut devant que je le renvoie quérir, car Basile ne me l’a pas encore rendu. Toutefois, si vous voulez, je vous en ferai bien bailler un tout de même le mien, que le cousin René fit faire pour une noce, de laquelle nous étions tous deux.
RODOMONT
268Je serais bien aise d’avoir le vôtre, et pour cause que je vous dirai puis après.
EUSTACHE
269Je m’en vais donc envoyer mon laquais le requérir. Laquais !
GENTILLY
270Plaît-il, monsieur ?
EUSTACHE
271Va-t’en chez le seigneur Basile.
GENTILLY
272Bien, monsieur, j’y vais.
EUSTACHE
273Veux-tu attendre ! Où cours-tu si vite ?
GENTILLY
274Chez le seigneur Basile.
EUSTACHE
275Eh bien ! Que lui diras-tu ?
EUSTACHE
277C’est ce qu’il me semble. Tu es si étourdi, que tu n’as pas la patience que je te dise ce qu’il faut que tu fasses. Dis-lui que je le prie qu’il me renvoie mon habit, et que j’en ai bien affaire.
GENTILLY
278Bien, monsieur.
EUSTACHE
279Entrons cependant en la maison, et en attendant qu’il revienne nous jouerons un coup de trictrac, et puis nous dînerons. Aussi bien je pense que mon père ira faire un tour hors la ville, et qu’il ne dînera céans.
RODOMONT
280Je le veux bien, puisqu’il vous plaît.
SCÈNE V
SAUCISSON, écornifleur et maquereau, EUSTACHE
SAUCISSON
281Holà ! Seigneur Eustache, encore un mot : où allez-vous si vite ?
EUSTACHE
282Est-ce toi, Saucisson ? Pardonne-moi, je ne t’avais pas aperçu.
SAUCISSON
283Monsieur, il y a plus de huit jours que je suis gros de vous voir. Et bien ! Quel homme êtes-vous ? Il y a longtemps que je ne vous ai vu tenir le verre, et je ne sais plus par ma foi de quelle main vous buvez.
EUSTACHE
284Viens-t’en dîner avec nous, et tu le sauras. Au reste, je te donnerai du meilleur vin bourru de France.
SAUCISSON
285J’irai volontiers ; mais j’ai peur que je ne mette la famine chez vous. Vous avez plusieurs fois vu de mes prouesses, et comme je sais jouer dextrement de l’épée à deux mains à table quand j’ai mes coudées franches. Partant, si vous voulez avoir le plaisir de me voir bâfrer, faites en sorte que la table soit si bien couverte qu’on ne puisse voir la nappe et qu’il n’y ait manque de breuvage. Je crois que vous m’avez ouï dire souvent, quand je mange un coq d’Inde ou un cochon de trente-cinq sols, qu’il m’est avis que je casse une noix.
EUSTACHE
286Ne te soucie que d’apprêter tes dents et tes ongles.
SAUCISSON
287Ce sera donc à pis faire, à ce que je vois.
EUSTACHE
288Tu en feras comme tu l’entendras.
SAUCISSON
289Attendez un peu. Quelle heure est-ce là qui sonne ?
EUSTACHE
290Ce ne saurait être que dix heures.
SAUCISSON
291Touchez là. Avant qu’il soit une heure d’ici, je vous ferai voir une autant garce que vous ayez vue de cette année.
EUSTACHE
292Je vois bien que c’est. Pour nous flatter, tu nous veux produire quelque reste de chanoines, ou quelque lampe de couvent.
SAUCISSON
293Par la vertu ! Sans jurer Dieu, c’est quelque chose de respect.
EUSTACHE
294Ainsi en disent tous ceux de ton métier.
SAUCISSON
295Contentez-vous de savoir que c’est une marchande de la rue Saint-Denis, qui a fait accroire à son mari qu’elle allait en pèlerinage à Notre-Dame de Liesse, et au lieu d’y aller, s’est gentiment retirée en ma maison, pour faire plaisir aux compagnons, et prendre du bon temps pendant ces jours gras.
EUSTACHE
296Voilà vraiment un gentil trait, et duquel je n’avais encore été déjeuné. Mais, dis-moi, quel bague ?
SAUCISSON
297Je ne vous veux point vanter ma marchandise et vous paître de paroles. La vue n’en coûtera rien.
EUSTACHE
298Va-t’en donc la quérir et l’amène céans, car je pense que mon père n’y viendra pas dîner, et quand bien il nous surprendrait, je la cacherais en mon cabinet.
SAUCISSON
299Je m’y en vais. Avisez cependant de faire coucher au feu, et que nous ayons quelque chose qui ait bec.
SCÈNE VI
EUSTACHE, RODOMONT, GENTILLY
EUSTACHE
300Vîtes-vous jamais un plus gentil falot que ce vénérable Saucisson ?
RODOMONT
301Nenni, par ma foi. Il a la gueule fraîche, et dit des mots nouveaux.
EUSTACHE
302Il n’y a que le vin et les friands morceaux qui le gâtent, et sans cela je vous promets que ce serait le plus gentil poisson d’avril qui soit d’ici à Rome.
RODOMONT
303Il est venu tout à temps pour chasser votre mélancolie.
EUSTACHE
304Ma mélancolie n’était pas grande, et quand bien elle eût été extrême, votre présence m’est si agréable qu’elle me l’eût bientôt fait mettre sous le pied. Mais il me semble que je vois mon laquais qui revient.
RODOMONT
305C’est lui-même. J’ai grand peur que nous aurons de mauvaises nouvelles, car il ne rapporte rien.
EUSTACHE
306Gentilly, as-tu trouvé Basile ?
GENTILLY
307Oui, monsieur.
EUSTACHE
308Eh bien ! Que t’a-t-il dit ?
GENTILLY
309Il m’a dit ainsi, qu’il vous priait de l’excuser s’il ne vous pouvait rendre vos habits plus tôt que sur les quatre heures du soir.
RODOMONT
310Je m’en doutais aussi bien.
GENTILLY
311Et qu’il vous viendrait trouver tout à cette heure, pour faire lui-même ses excuses.
EUSTACHE
312Il n’en était point de besoin.
GENTILLY
313J’ai trouvé en chemin monsieur votre père, qui m’a dit qu’il ne reviendrait dîner à la maison, et qu’il s’en allait jusques à Charenton.
EUSTACHE
314Ne t’a-t-il dit autre chose ?
GENTILLY
315Non, monsieur, sinon qu’il est bien marri qu’il n’a fait ce qu’il pensait.
EUSTACHE
316Et moi, tout au contraire, j’en suis bien aise. Seigneur Rodomont, puisque vous voyez que nous ne pouvons avoir mes habits, je m’en vais envoyer quérir ceux-là du cousin, qui sont tout de même semblables aux miens.
RODOMONT
317Je vous en supplie bien humblement.
EUSTACHE
318Gentilly, va-t’en chez mon cousin René, et dis-lui que je le prie bien fort qu’il m’accommode pour une heure ou deux, de son pourpoint et chausses de satin incarnat, et de son manteau de taffetas, et qu’il te les baille tout à cette heure.
GENTILLY
319Bien, monsieur.
EUSTACHE
320Entrons cependant, car je vois venir vers nous une femme encappé que je pense connaître.
SCÈNE VII
FRANÇOISE, BASILE
FRANÇOISE
321Je ne sais où je pourrai trouver Basile. Je voudrais avoir payé beaucoup et l’avoir rencontré en mon chemin, pour lui dire des nouvelles qui le réjouiront, car depuis que j’ai laissé Eustache j’ai épié l’heure que Girard sortirait de chez Louise, et aussitôt que je l’ai vu sortir, je suis venue tout bellement écouter à la porte ce que l’on disait. Et ai entendu que Louise tançait sa fille, lui disant entre autres choses : « Et bien ! Madame la glorieuse, vous avez tant fait par vos journées, qu’Eustache ne sera point votre mari ; mais allez chercher qui prendra jamais la peine de vous en trouver d’autre ! C’est raison, il vous faut peindre des maris. » Par ces propos, j’ai pu comprendre que tout était rompu, ce dont je suis très aise ; et je le serais encore davantage si j’avais trouvé Basile, pour le faire participant de ma joie. Mais on dit bien vrai : quand on parle du loup on en voit la queue. Monsieur, je prie Dieu qu’il vous donne ce que vous désirez.
BASILE
322Ha ! Madame Françoise, si Dieu me donnait ce que je souhaite, je serais plus heureux que l’empereur.
FRANÇOISE
323N’y pensez plus, vous l’aurez. Mais, monsieur, encore faut-il faire une résolution, et ne se donner en proie à la passion ainsi que vous faites. Si votre maîtresse vous voyait, que dirait-elle ? En bonne foi, elle aurait occasion de vous estimer homme de lâche courage. Sus, réjouissez-vous ! Ne savez-vous pas bien que cent livres de mélancolie n’acquittent jamais pour un sol de dettes ? Et puis, je vous prie, dites-moi de quoi vous vous plaignez.
BASILE
324Je ne me plains de rien, Dieu merci ; mais je suis en une perpétuelle crainte que l’on ne me fasse torcher la bouche avant que d’avoir dîné.
FRANÇOISE
325Je veux que vous ôtiez tous ces doutes de votre entendement.
BASILE
326Je ne puis, si je ne suis assuré d’une autre façon.
FRANÇOISE
327Voulez-vous une meilleure assurance que les paroles de Geneviève, que je vous ai fait savoir par Antoine ?
BASILE
328Je crois bien que Geneviève ne me voudrait faire un faux bon ; mais je crains la mère.
FRANÇOISE
329Si vous saviez ce que je sais, vous ne diriez pas ainsi.
BASILE
330Hé ! Madame Françoise, je vous prie de ne m’être point chiche de si bonnes nouvelles ; mais je crois que vous vous moquez de moi.
FRANÇOISE
331Je me moque ? Jà à Dieu ne plaise !
BASILE
332Si n’en croirai-je rien autre chose, jusques à ce que je sache ce qu’il y a de nouveau.
FRANÇOISE
333Allez, je le veux bien. Il faut donc que vous sachiez que j’ai ouï de mes propres oreilles que tout est rompu, au moins quant à Eustache.
BASILE
334Je n’en crois rien, si vous ne me dites de qui vous l’avez su.
FRANÇOISE
335Je vois bien ce que c’est : vous ne croyez Dieu que sur bon gage ; mais n’est-ce pas assez que je vous le dise ? Et quand bien je ne l’aurais ouï dire à madame Louise, il n’y a pas une heure, si est-ce que je pense que malaisément Eustache en voudrait.
BASILE
336Ne dites pas cela, je sais qu’il l’aime. Et si je sais bien que son père l’en sollicite fort.
FRANÇOISE
337Voilà grand cas. Vous êtes des confrères de saint Thomas et ne voulez jamais croire les choses si vous ne les voyez. Soyez assuré que si Eustache l’a aimée par ci-devant, il la hait maintenant comme un poison.
BASILE
338Comment le savez-vous ?
FRANÇOISE
339Je ne vous veux point déguiser les matières. Aussitôt que je vous eus renvoyé Antoine, j’allai ouïr la grand’messe auprès de madame Louise ; et quand le service fut fini, nous sortîmes de l’église ensemble. Alors je commence à la raisonner, et lui ayant demandé comment elle se portait et s’il était vrai ce que j’avais ouï dire, que sa fille était accordée, elle me fit réponse qu’il n’en était rien, et qu’il n’avait tenu qu’à Geneviève ; toutefois, qu’elle espérait d’en faire bientôt le mariage.
BASILE
340Ce commencement-là ne me plaît guère.
FRANÇOISE
341Écoutez jusques à la fin. Comme nous étions sur ces propos, surviennent Girard et son fils Eustache ; lesquels, après nous avoir saluées, Girard entra avec Louise en la maison, et me laissa deviser avec son fils.
BASILE
342Encore il n’y a rien là à mon avantage.
FRANÇOISE
343Je commence à me fondre en discours avec lui et comme l’on entre de propos en propos, je vins à lui dire que je savais de bon lieu que Geneviève l’aimait parfaitement ; et lui me répond qu’il ne le pensait pas, mais qu’à la vérité il perdait les pieds pour son amour. Quand je vis qu’il était ainsi aux altères, je lui dis tous les biens du monde de la fille, et qu’il faisait bien d’asseoir ses pensées en si bon lieu. Tant que j’ai connu clairement qu’à mesure que nos propos croissaient, son affection aussi s’augmentait.
BASILE
344Madame Françoise, vous m’avez ruiné. Au lieu de verser de l’eau sur son feu, vous y avez répandu de l’huile.
FRANÇOISE
345Laissez-moi achever. Quand je vis qu’il m’écoutait attentivement, et qu’il me croyait tout ce que je disais, je vins à muer de chance, et à lui dire que Geneviève était la plus vertueuse fille de Paris, et qu’elle le montrait bien, car encore qu’elle eût une mamelle toute mangée de chancre, si est-ce qu’elle portait son mal avec une telle patience, que personne ne s’en était jamais aperçu.
BASILE
346A ce coup, vous m’avez ressuscité. Et bien ! Que dit-il là-dessus ?
FRANÇOISE
347Je le vis à l’instant changer de couleur, demeurer muet, et enfoncer son chapeau sur les yeux, par lesquels signes je connu clairement que l’amour commençait déjà à faire place à la haine, car bientôt après il me dit adieu, et ne daigna aller trouver son père qui l’attendait chez Louise, encore qu’il lui eût enchargé de ce faire.
BASILE
348Ô, madame Françoise ! Vous êtes la plus galante femme de France, si Eustache a cru cette fable si bien inventée.
FRANÇOISE
349Assurez-vous qu’il l’estime vraie comme Évangile. Mais avez-vous avisé à ce que je vous ai mandé par Antoine ?
BASILE
350Je n’ai garde de faillir à l’assignation.
FRANÇOISE
351C’est assez dit. Retirez-vous donc de peur que quelqu’un ne vous voie parler à moi.
BASILE
352Vous plaît-il pas venir dîner chez moi ?
FRANÇOISE
353Allons, j’en suis contente.
BASILE
354Je vous prierai de me raconter une autre fois toute cette histoire, tant j’y prends plaisir. J’avais proposé d’aller faire un tour chez Eustache, mais je crois qu’il est maintenant à table. Il vaut mieux remettre mon voyage à une autre fois.