Texto utilizado para esta edición digital:
Garnier, Robert. Les juives. Tragédie [1583]. Edité par José Enrique López Martínez, pour la collection EMOTHE. Valence : ARTELOPE Universitat de València, 2018.
- López Martínez, José Enrique (Artelope)
Nota a la edición digital
Texte de base : Les juives. Tragédie. À Paris, par Mamert Patisson, Imprimeur du Roi, chez Robert Étienne, 1583. Bibliothèque Nationale de France, Rés. p-Yc-1171 (3).
À Monseigneur de Joyeuse, Duc et Pair de France
Je m’étais résolu, Monseigneur, de quitter l’ingrat et laborieux exercice des Muses,
où je ne me suis que trop inutilement ébattu ; mais étant sur le point de prendre
congé, je me suis avisé que deux choses principalement me restaient : de chanter quelque
cas de notre Dieu, digne d’un homme chrétien, et de vous présenter de mes vers, comme
à celui qui leur est révérable par sus tous. De quoi je me semble être aucunement
acquitté par le sujet et adresse de cette Tragédie. Car tout ainsi que c’est un discours
chrétien et religieux, il s’est convenablement adressé à vous, Monseigneur, qui l’êtes
autant ou plus que nul autre de ce royaume. Et de vérité j'eusse autrement craint
d’être justement repris d'Apollon et des Muses mêmes, si entre tous ceux qui se sont
efforcés de monter sur leurs saints coupeaux, j’étais seul n’honorant votre vertu,
et ne reconnaissant la continuelle bienveillance qu’ils reçoivent de vous, leur unique
Mécène. Car combien que, ou par l’infélicité du siècle, ou par défaut de mérites,
ou par un malheur particulier, les peines que j’ai prises à caresser les Muses m’aient
été autant infructueuses jusques ici que les assidus et désagréables labeurs de ma
vacation : si veux-je, Monseigneur, vous regracier des bienfaits que les lettres reçoivent
journellement de vous, comme si j’étais du nombre des mieux fortunés, et vous en demeurer
autant redevable que l’un d’iceux. Or vous ai-je ici représenté les souspirables calamités
d’un peuple, qui a comme nous abandonné son Dieu. C’est un sujet aussi peu délectable
qu'il est de bonne et sainte édification. Vous y voyez le châtiment d’un prince issu
de l’ancienne race de David, pour son infidélité et rébellion contre son supérieur
; et voyez aussi l’horrible cruauté d’un roi barbare vers celui qui, battu de la fortune,
est tombé en ses mains par un sévère jugement de Dieu. La prérogative que la vérité
prend sur la mensonge, l’histoire sur la fable, un sujet et discours sacré sur un
profane, m’induit à croire que ce traité pourra préceller les autres, et moins désagréer
à sa Majesté s’il lui plaît l’honorer de sa vue, lui étant dédié en général avec les
précédents, tout ainsi que je vous le viens particulièrement vouer et présenter. C’est
peu de chose à vrai-dire, et le reconnais ainsi : mais c’est tout ce que je vous puis
donner de témoignage du respect et obéissance que je vous porte, et de l’humble sujétion
que je dois à sa Majesté. En cela je me confie, Monseigneur, asseuré que l’affection
de l’auteur tiendra lieu de recommandation de son œuvre, et le garantira de contemnement.
Votre très-affectionné serviteur, ROBERT GARNIER.
Ad Robertum Garnierium, rerum capitalium praefectum, Coenomanis, Petrus Amyus ibidem, Cos. Mag.
Quam Cirrha procul, et cantatis Phocidos antris,
quam Caelo, Garniere, remoto
Castaliae pereunt duce te volitare Camoenae.
En qua foecundo rigat amne
Nilus arenosi sitientia rura Canopi,
quaque Palestinae recutitis
palmae frondosas sociarunt gentibus umbras,
te obseruant, tua signa sequuntur.
Haec passis, illa in nodum religata capillos:
et cinctae omnes tempora myrto,
suspensae lyras humero, mirantur et ardent
quos pergis, sua mella, labores.
Illa alias inter quae te almo sydere natum
fouit Melpomene, anxia rerum
quicquem adolere nouarum operi nouo, at unde, ait, aut quid?
Dum Thesiden, dum Astyanacta,
relliquias Troiae, dum ciuica bella Quiritum,
ternis exantlata duellis
terno complexus dedit expallere theatro,
nos illi pulchra omnia, opumque
addidimus, quantum ex adytis Heliconis opimis
mortales ditescere fas est.
Quid superest? Quid non dictum illi? Non sibi solus
jam ipse est, qui se comparet ipsi?
Est humana tenus quo sese audacia fundat,
uana aliquid supra meditari:
est lex quatenus immortales uatibus adsunt,
ultra quam conata, refringit
qui lycios regnat saltus, Delum Pataramque
Cynthius et Thymbreus Apollo.
Subsistit paulum, et mox mutato altera uultu,
at si, inquit, nihil amplius illi
defluit unde potest reliquis, si nostra, Sorores,
illum aduorsum copia friget,
i propriis pollens numeris, i te tibi Teucro,
teque ipso, Garniere, beatus
aude securus quicquid lubet, ardua pennae
numina prome tuae: Ecce Sionem
sponte subit, Libanique intonsa cacumina cedros
Parnassus bifida arce biuertex:
aude hic quod paueant Reges, atrocia Iudae
fata, et lamentabile regnum
Sedeciae, prolemque neci affictam, ante caduci
lumina mox peritura parentis.
Te labor iste manet postremus, inhospita edaci
quem senio expectant loca, ubi inter
aeternas spirant lauros cecinisse peritae
Threissae, Smyrnae aeque Camoenae.
Argument de la Tragédie des Juives
Nabuchodonosor, roi des Assyriens, ayant ordonné Sédécie, roi de Jérusalem, au lieu de Joachim, son neveu, après qu’il lui eût juré la foi de lui être toujours bon et loyal vassal, et de ne prendre jamais l’alliance et confédération du roi d’Égypte son ennemi, fut neuf ans après contraint de lui faire guerre pour avoir faussé sa foi, prenant le parti de Nechun, roi d’Égypte, et avoir son peuple révolté contre lui. À cette cause il mit aux champs une très forte armée, avec laquelle il brûla et saccagea le pays de Judée, et mit le siège devant Jérusalem, capitale de la province. De quoi l’Égyptien averti marcha incontinent avec ses forces pour le contraindre de lever le siège, ou de venir au combat. Mais Nabuchodonosor pour le prévenir lève incontinent les enseignes, et le va rencontrer sur le chemin, où il le combat et met son armée en pièces, avec grand carnage et mortalité de ses gens ; puis retourne camper devant Jérusalem, qu’il fait battre plus furieusement qu’auparavant. Le siège dura dix-huit mois entiers, pendant lequel il se retira avec sa cour en la ville de Reblate, qui est Antioche de Syrie, relaissant la charge de l’armée à Nabuzardan et autres vaillants capitaines : lesquels serrèrent les assiégés de si près que tous moyens de recouvrer vivres leur étant ôtés, ils furent incontinent réduits en très grande détresse et nécessité, mourant journellement de faim. En fin comme ils étaient fort débilités de courage et amoindris de nombre, leur est donné un roide et furieux assaut sur la minuit, qu’ils ne purent soutenir, et fut la ville emportée de vive force. La cruauté fut extrême tant envers les hommes qu’édifices. Le temple fut pillé et embrasé, la ville mise à feu et à sang, et grand nombre de seigneurs et autres du populaire emmenés pour esclaves. Sédécie, informé de ce désastre, sort hâtivement avec sa mère, femmes, enfants, et aucuns de ses amis par une porte secrète, et prend le chemin des montagnes, où il est poursuivi par quelques gens de cheval, qui l’acconçurent aux campagnes de Jéricho, le prindrent et lièrent, et le menèrent avec toute sa maison en Antioche, où il fut présenté au roi Nabuchodonosor. Lequel après lui avoir reproché en grande colère son ingratitude et déloyauté, fit en sa présence égorger ses enfants, et décapiter le grand Pontife avec les principaux seigneurs de Jérusalem, puis il lui fit crever les yeux. Ce fait, l’envoya chargé de pesantes chaînes en Babylone, où il finit depuis misérablement ses jours. Ce sujet est pris des 24 et 25 chapitres du 4 livre des Rois, du 36 chapitre du 2 livre des Chroniques, et du 29 de Jérémie, et plus amplement traité par Josèphe au 9 et 10 chapitres du 10 des Antiquités.
ENTREPARLEURS
| Le Prophète |
| Nabuchodonosor, roi d’Assyrie |
| Nabuzardan, lieutenant général en l’armée |
| Amital, mère de Sédécie |
| Les Reines, femmes de Sédécie |
| La Reine, femme de Nabuchodonosor |
| La Gouvernante, de la Reine |
| Sédécie, roi de Jérusalem |
| Sarrée, grand Pontife |
| Le Prévôt, de l’hôtel de Nabuchodonosor |
| Le Chœur, des Juives |
ACTE I
ACTE II
ACTE III
ACTE IV
ACTE V
